À l’ère où les discours sur le panafricanisme et les appels refont surface grandeur nature, le Professeur Simon-Narcisse Tomety convie à la réflexion sur le type de panafricanisme qu’il faut aujourd’hui. Il met l’accent sur les erreurs à ne pas commettre et surtout celles du passé à éviter. Nous vous publions l’intégralité de sa tribune
A-t-on besoin d’instituer le panafricanisme ?
Instituer reviendrait à fabriquer des lois et des stratégies de contournement des lois pour étouffer les lois d’émancipation et de libération. Allez dans ce sens serait la plus grande ineptie et une offense à la mémoire de tous ceux qui ont symbolisé les luttes civiques pour l’émancipation des peuples noirs partout dans le monde.
C’est pourquoi, nous devons prendre en compte l’éducation au panafricanisme historique afin que le panafricanisme contemporain puisse avoir un socle et des piliers stratégiques de son évolution adaptative selon une approche incrémentale.
Le panafricanisme c’est le mode de vie dynamique de tout africain s’exprimant par le combat quotidien que (i) l’Afrique appartient aux Africains et à toute sa diaspora, (ii) les ressources du sol et du sol-sol africain doivent appartenir aux Africains avec leur transformation sur place pour une inculturation du développement sur la base de leurs valeurs culturelles, de leurs ingéniosités créatrices afin de créer des biens et services utiles à la restauration de leur dignité perdue, (iii) l’Afrique cesse d’être la risée du monde par la propension des antivaleurs destructrices de la puissance du continent en se livrant à la mendicité internationale pour étaler ses misères insouciantes, (iv) l’Afrique d’un nouvel élan pour son système éducatif basée sur les valeurs de civilisation héritées de l’histoire, des travaux de recherche scientifique et technique afin que le progrès du continent soit un engagement patriotique de tout Africain dans le monde, (v) l’Afrique du futur où les Africains d’aujourd’hui doivent développer des ambitions nobles pour les Africains du futur afin qu’ils héritent des vivants d’aujourd’hui les armes puissantes de l’autodétermination afin qu’aucun autre continent ne retrouve à nouveau les moyens de sa reconquête, de sa domination culturelle, spirituelle, technologique et économique, (vi) l’Afrique multipolaire ouverte sur le monde à travers une coopération gagnant-gagnant et enfin (vii) l’Afrique devenue une puissance nucléaire de dissuasion avec son système intégré de souveraineté concernant la sécurité culturelle, la sécurité alimentaire, la sécurité monétaire, la sécurité environnementale, la sécurité physique et sa défense globale.
Le panafricanisme historique doit être compris comme une démarche identitaire à travers un ensemble de valeurs et de prismes par lesquelles on peut reconnaître facilement par la façon d’être les caractéristiques émotionnelles et de tout Africain qui se reconnaît lui-même déjà comme Africains et qui revendique son africanité.
Cet Africain panafricaniste ne veut ressembler à aucun autre ressortissant d’un autre continent. Et partout dans le monde, il rayonne en homme digne; voilà l’idéal poursuivi par le panafricanisme.
C’est pourquoi, le panafricanisme n’est rien d’autre que la synthèse de l’humanisme noir et du patriotisme ou l’amour pour la patrie africaine.
Il faut encore ajouter quelques orientations sémantiques pour illuminer les esprits sur le panafricanisme ?
La panafricanisme c’est l’amour des Africains pour l’Afrique, leur seule patrie-mère.
C’est pourquoi le patriotisme africain doit aller au-delà du patriotisme micronationaliste où chacun est confiné dans un territoire balkanique malencontreusement imposé par le colonisateur au nom de l’absurde principe de diviser pour régner et piller.
Chaque régime politique a hérité d’un lopin de terre appelé république où les Africains à esprit colonisé se battent et s’entredéchirent pour conquérir et piller les ressources du territoire afin de soumettre à la pauvreté, à la mendicité, à la prostitution, à la corruption bureaucratique et au chômage la grande proportion des Africains.
Les politiciens et les gouvernants africains d’hier et d’aujourd’hui sont plus roublards que les colonisateurs; le cordon ombilical est toujours maintenu entre les deux pour les sales besognes.
Les colonisateurs se servaient de l’armée pour s’imposer dans les territoires afin de soumettre les Africains. Qu’est-ce qui a changé quand vous n’êtes pas libres d’élire qui vous désirez pour être le chef du lopin de terre? Le colonisateur a inventé les engins de guerre et ceux qui aiment s’en servir pour détruire l’Afrique, c’est encore des Africains égarés à la solde de l’impérialisme international. *C’est une honte!
En 2023, la philosophie polico-militaire n’a pas évolué d’un iota, les armées actuelles se comportent exactement comme les armées coloniales en aidant les politiciens dans leurs abus de fonction surtout de biens sociaux à brutaliser et à tuer leurs propres frères.
Il faut comprendre que le panafricanisme n’est pas encore à l’ordre du jour dans les armées fragmentaires africaines (AFA) et tous ces partis politiques affairistes africains (PPAA).
Plus dramatique avec cette fausse intégration régionale basée sur l’affairisme de nombreux chefs d’Etat de lopins de terre africains, c’est la non observance des décisions de justice des organisations régionales africaines. On ne fait pas du panafricanisme avec des États voyous qui s’opposent aux décisions de justice.
Le panafricanisme doit devenir un enjeu de civilisation et un défi de reconstruction de l’Afrique avec un sens élevé d’amour non plus pour des intérêts vaniteux du pouvoir d’État pour se faire du pognon mais pour réintégrer chaque lopin de terre institutionnellement dans la vraie et unique Afrique.
Et pour cela l’Union africaine que nous avons actuellement n’est pas l’union africaine que nous voulons.
Le panafricanisme doit devenir le moteur du système éducatif, du système administratif, du système juridique et judiciaire, du système partisan, du système politique, du système culturel, du système religieux et spirituel, du système monétaire et économique et du système géopolitique africain.
Toutes les cartes du faux développement actuel où tout se résume à quelques travaux corrompus de BTP sur le lopin de terre sont à rabattre. Le panafricanisme de tricherie idéologique et de culture de la haine n’existe. Surtout, ne faisons pas semblant de porter un masque pour paraître panafricaniste. Beaucoup de chefs de lopins de terre jouent avec le panafricanisme. Les vrais vrais chefs d’Etat ou chefs de gouvernement panafricanistes sont Modibo Keita, Syvanus Olympio, Kuamy Nkruma, Agostino Neto, Patrice Emery Lumumba, Thomas Sankara, Nelson Mandela. Que l’esprit de ces Héros des 60 dernières années habitent et éclairent les chefs de lopin de terre d’aujourd’hui.
Simon-Narcisse TOMETY