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Albert Tévoédjrè : héritage et vision d’un pionnier pour une Afrique Nouvelle (hommage d’Eugène M. B. Gnimassou)

  • novembre 6, 2024
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Albert Tévoédjrè : héritage et vision d’un pionnier pour une Afrique Nouvelle (hommage d’Eugène M. B. Gnimassou)

Cinq ans après la disparition du Professeur Albert Tévoédjrè, le Bénin se souvient d’une figure marquante de son Histoire et de l’Afrique. Un penseur dont les écrits et les actions ont laissé un héritage intellectuel et moral inestimable. Dans cet hommage, Eugène M. B. Gnimassou, ancien secrétaire général du Médiateur de la République et proche collaborateur de Tévoédjrè, revisite les réflexions audacieuses de ce visionnaire, de L’Afrique Révoltée à La Pauvreté, richesse des peuples, en appelant la jeunesse africaine à renouer avec l’idéal de solidarité et d’indépendance qu’il a porté. Lire son hommage

UNE COURONNE POUR ALBERT TEVOEDJRE

Ce 6 novembre sont célébrés les cinq ans de la disparition de cette icone. qui marqua, pendant plusieurs décennies, l’histoire du Dahomey devenu Bénin, de l’Afrique et de l’humanité. Il est inutile de chercher à présenter l’homme. Roturier d’Adjati, un village de la commune d’Adjarra, Albert Tévoédjrè n’est pas fils de Crésus. Mais la Providence l’a doté d’un atout majeur : son intelligence remarquable. L’école, il l’a connue, grâce à la générosité des prêtres missionnaires dont il a su entretenir la proximité et la reconnaissance, jusqu’à la fin de ses jours. Son effort personnel et son entregent ont fait le reste. Il n’est ni Elon Musk, ni Jeff Bezos et pourtant, il a su léguer à la postérité, un immense patrimoine intellectuel et moral que le contexte géostratégique du continent noir et les mutations socio-économiques en cours dans le monde nous obligent à redécouvrir. Pour notre espérance commune, cet héritage est susceptible d’ouvrir de nouveaux horizons plus qu’enchanteurs, pour ceux qui savent se donner la peine et le temps de le scruter .

Depuis 1958, ce brillant intellectuel, dépité par sa condition d’étudiant colonisé, criait, comme une prophétie, son amertume dans l’Afrique Révoltée, en son temps, un pamphlet osé contre la colonisation française. L’auteur y faisait une analyse critique de la situation socio-économique des colonies où la misère et la déliquescence morale risquaient de devenir à terme le détonateur d’une conflagration copernicienne ; ce qui n’a pas manqué de se réaliser en 1960. La puissance coloniale à bout de souffle, s’est vue obligée de lâcher du lest en concédant des indépendances nominales. Aujourd’hui, pouvons-nous affirmer que l’Afrique est véritablement libre de toute entrave et que cet ouvrage ne nous sera d’aucune utilité ?

La pauvreté, richesse des peuples, un essai publié en 1978, s’intéresse au développement du tiers monde. Il doit s’efforcer de forger son propre chemin, sans chercher à rentrer dans la polémique des idéologies antagonistes. L’auteur estime que la pauvreté, bien distincte de la misère, offre paradoxalement l’avantage d’une vie frugale, sans superflu. Une vie frugale dans laquelle chacun se contente juste du minimum dont il a besoin pour s’épanouir, à l’abri du « mimétisme de la déraison », piège dans lequel tombe généralement l’élite africaine ; ce qui l’éloigne davantage des populations dont elle est censée défendre les intérêts. Diverses possibilités de développement sont esquissées, axées sur le concept du « Contrat de solidarité », dispositif qui vise un juste partage entre les nantis et les démunis, de manière à doter chaque citoyen du strict nécessaire dont il a besoin. C’est ce concept redimensionné plus tard, lorsqu’il sera nommé Ministre du Plan, qui prendra la forme du Minimum Social Commun, avec un début d’application malheureusement interrompue, dès son départ ; de ce poste en 1999. Autrement dit, l’Africain peut bien se passer du modèle occidental en privilégiant des alternatives centrées sur ses intérêts, son environnement et l’essence intrinsèque de son être. : « s’habiller à sa taille et se chausser à son pied : voilà la sagesse ». Aujourd’hui, malgré le chemin parcouru depuis 1960, peut-on oser affirmer qu la problématique de cet ouvrage est dépassée, que l’élite africaine n’est plus prise au piège de la « déraison du mimétisme », que partout au Bénin et en Afrique l’homme a atteint son plein épanouissement, et que l’œuvre de construction nationale est terminée ? Albert Tévoédjre, le visionnaire, depuis là où il se trouve nous presse de répondre à ces questions. Pendant combien de temps allons-nous encore rester sourds à son interpellation ?

Tout récemment, encore, en 2011, alors qu’il était le Médiateur de la République, c’est bien lui qui, dans le sillage de la célébration du cinquantenaire des indépendances africaines, a eu la lumineuse idée d’organiser à Cotonou, avec l’autorisation et le soutien du gouvernement, du 16 au 20 novembre 2010, un symposium international sur le thème : « Audace, unique défi pour une Afrique nouvelle ». Cette rencontre a permis de finaliser et d’adopter, au terme de ses assises, Le Manifeste du cinquantenaire, devenu depuis lors, la pierre angulaire d’une Afrique nouvelle. En effet, l’Union Africaine (UA), représentée par son premier responsable d’alors, Monsieur Jean Ping, s’en est vite rendue compte et a adopté les conclusions du symposium ainsi que le Manifeste qui en est issu, à sa dix-septième session ordinaire, tenue les 30 et 1er juillet 2011 à Malabo (Guinée Équatoriale). Il y a été recommandé que le Bénin, terre d’accueil de cette rencontre, veille à la promotion des idées contenues dans ce document, en collaboration avec l’Union Africaine. C’est ce qui justifie sa traduction dans les quatre langues de travail de l’Institution africaine.Structuré en cinquante paragraphes correspondant aux cinquante ans des indépendances africaines, le Manifeste, cette œuvre collective, dans l’approche prospective qui le caractérise n’a occulté aucun des goulots d’étranglement actuels de la marche du continent noir.

La question de la souveraineté monétaire, des Etats unis d’Afrique, de l’éducation et des langues nationales, toutes choses devenues le leitmotiv des jeunes panafricanistes révolutionnaires d’aujourd’hui, pour ne citer que ces préoccupations, y figurent en bonne place. Il n’est donc pas opportun de réinventer la roue. L’essentiel est de rester attentif à tout ce que la postérité peut puiser de positif dans cet important legs, pour changer la face de l’Afrique. Depuis lors, cette boussole dont le Bénin signe la paternité et la responsabilité, a sombré dans l’oubli collectif, pendant que, dans le feu quotidien de l’action, les dirigeants africains s’essaient à des expédients loin de remédier aux problèmes de fond qui y ont pourtant tous été abordés, dans une approche prospective, assortis de recommandations audacieuses appelant à une rupture radicale avec les pratiques handicapantes. A l’occasion de ce cinquième anniversaire de son départ, on aurait pu parcourir sa riche bibliographie. Mais pour la circonstance, il n’a été retenu, que ces trois ouvrages représentant la quintessence de sa vision de l’Afrique, au regard de leur contenu traitant de questions brûlantes de développement. Inviter les structures compétentes, les unités de recherche ainsi que la jeunesse béninoise à une introspection courageuse, critique et objective, au cours de journées de réflexion, de séminaires nationaux, de tables rondes, et pourquoi pas de symposiums internationaux, ou dans tout autre cadre approprié, porteur de débats féconds ; voilà de quoi honorer valablement la mémoire de ce croisé du développement alternatif.

Cet exercice pourra prendre appui sur l’existant, avant de se projeter dans l’avenir où le danger du plagiat et du snobisme n’est jamais bien loin. Adepte des débats enrichissants, le rapporteur de la Conférence nationale nous en saura gré. Prenez-le, lisez-le, buvez-le, percez sa dimension absconse et au besoin, grimpez sur ses épaules pour voir plus loin que lui. Telles furent ses attentes ardentes. De là où il se trouve, il jubilera et c’est le Bénin tout entier qui en sortira plus grand et plus rayonnant. Pourvu qu’ici et ailleurs, sur le continent, la pauvreté et l’injustice, trouvent définitivement leur tombeau et qu’enfin, l’on puisse clamer fièrement avec lui : « Au travail mes amis ! Nous avons vaincu la fatalité ».

Eugène M. B. GNIMASSOU Administrateur des entreprises

Ancien Secrétaire général Médiateur de la République du Bénin

Ancien Secrétaire général de l’Institut National pour la Formation et l’Al Recherche en Education (INFRE)

Ancien Proche collaborateur d’Albert TEVOEDJRE

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Samuel HOUNDJO

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