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La cour d’assises de Bamako a ordonné lundi la fin, sans verdict, du procès pour assassinats contre le général malien Amadou Sanogo, meneur d’un putsch en 2012 et brièvement chef de l’État, et une quinzaine de coaccusés.
Le procès pour assassinats contre le général malien Amadou Sanogo, meneur d’un putsch en 2012, et une quinzaine de coaccusés se termine sans verdict. La cour d’assises de Bamako a ordonné, lundi 15 mars, d’y mettre fin en invoquant une loi controversée adoptée en 2019 au nom de la réconciliation. Celle-ci rend possible l’amnistie ou la grâce pour les auteurs de certains crimes perpétrés pendant la crise de 2012. Le tribunal a également invoqué un accord de dédommagement conclu entre l’État malien et les parties civiles.
“Sur la base de la loi d’entente et le protocole d’accord signé entre le gouvernement de la République et les victimes, la cour ordonne que l’action soit éteinte contre les inculpés, qu’ils soient immédiatement libérés si aucune autre charge n’est retenue contre eux”, a annoncé le président de la cour, Gaoussou Sanou.
Un procès embarrassant pour le pouvoir
Les mis en cause, le général Sanogo et ses coaccusés, avaient déjà été relâchés en janvier 2020 après six années de détention.
Sauf pourvoi possible du ministère public, la cour a décidé de mettre un terme à un procès qui n’aura cessé d’embarrasser le pouvoir malien, inquiet des dissensions qu’il pouvait susciter au sein d’une armée par ailleurs confrontée aux jihadistes, et de la comparution, parmi les accusés, d’un ministre de la Défense.
Dans cette affaire qui ramène aux premiers mois de la grave crise sécuritaire toujours traversée par ce pays sahélien, la décision était attendue depuis que le procès était sorti la semaine passée des limbes dans lesquels il avait été maintenu pendant des années.
Un collectif d’avocats des parties civiles avait alors annoncé le désistement de ces dernières. Il avait argué d’un protocole d’accord conclu avec l’État et en cours d’exécution pour l’indemnisation de ses clients.
Le procès s’achève alors que le Mali est dirigé par des autorités de transition dominées par des militaires eux-mêmes auteurs d’un coup d’État qui a renversé le pouvoir civil d’Ibrahim Boubacar Keïta en août 2020.
“Le Mali n’a pas besoin d’une telle injustice”
Devant le rapide enlisement du procès après son ouverture en novembre 2016, les défenseurs des droits humains exprimaient leur crainte que la procédure ne connaisse un tel dénouement.
“Il faut nécessairement que le procès aille à son bout, que les droits des victimes à une réparation intégrale soient respectés, une loi d’entente nationale ne peut pas être invoquée pour assurer l’impunité”, disait avant l’audience le président de la Commission nationale des droits de l’Homme, Aguibou Bouaré, dans une vidéo postée sur le site de l’organisation. Il s’alarmait du “précédent” qui serait créé, dans un pays où sont constamment dénoncées des exactions de toutes parts, y compris de la part des forces armées.
“Le Mali n’a pas besoin d’une telle injustice, d’une telle impunité qui marque vraiment un recul profond en matière de respect et de protection des droits de l’Homme”, disait-il.
Amadou Sanogo et ses coaccusés, soldats et gendarmes, étaient jugés non pas pour le putsch de 2012 qui avait renversé le président Amadou Toumani Touré mais pour l’enlèvement et l’assassinat de 21 membres d’une unité d’élite, les “Bérets rouges”.
Un mois après le coup d’État, les “bérets rouges” avaient vainement tenté un contre-putsch, brutalement réprimé par les nouveaux maîtres de Bamako et par les “bérets verts” qui leur étaient acquis. Les corps de 21 d’entre eux avaient été retrouvés dans un charnier en décembre 2013.
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