Classer le système éducatif parmi les priorités, revoir les offres de formation et sanctionner les enseignants paresseux et vicieux. Voilà quelques fondamentaux que Ogoubi DAÏNOU énumère après avoir posé le diagnostic du système éducatif au Bénin. Qu’est-ce qu’un système éducatif ? Qu’est-il au Bénin ? Et que devrait-il être ? Voilà des questions essentielles qui ont permis à l’enseignant à la retraite de faire un diagnostic plus ou moins exhaustif assorti des solutions essentielles pour un système éducatif au service du développement. Suivez.
Que pouvons-nous entendre par Système éducatif d’un pays ?
Des différentes définitions du terme « Système » proposées par le Dictionnaire français “Petit Larousse”, édition de 1988, je retiens celle-ci : « une combinaison d’éléments qui se coordonnent pour concourir à un résultat ». Ainsi donc, on peut entendre par “Système éducatif” un ensemble d’éléments qui concourent à la création de différentes compétences nécessaires à la satisfaction des différents besoins des sociétés humaines. Ces besoins sont très variés, et chacun d’eux nécessite la disponibilité, au sein de la société, d’un type de compétence donné, compétence dont l’incarnation est : l’homme. Cela étant, quels sont, à l’époque actuelle, les éléments constitutifs d’un système éducatif formel ?
Nous avons, dans presque tous les pays du monde :
1°/ Elément principal : l’Etat, qui est chargé de la gestion de tous les autres éléments du Système éducatif ;
2°/ Des formateurs, qui sont chargés de transmettre, aux jeunes générations humaines, des compétences dont ils ont la maîtrise de manière avérée ;
3°/ Les apprenants, qui sont appelés à acquérir, sous la direction des formateurs, des compétences scientifiques, techniques, artistiques, etc…, à mettre à la disposition des sociétés humaines ;
4°/ Des offres de formation et un programme correspondant à chacune d’elles ;
5°/ L’ensemble des lois, des décrets et des arrêtés qui déterminent les droits et les devoirs des formateurs, droits dont la qualité détermine la disponibilité, en qualité et en quantité, de ces formateurs.
Les formateurs, les apprenants, les offres de formations et leurs programmes, les lois, les décrets et les arrêtés sont sous le contrôle direct de l’élément principal du Système Educatif, l’Etat.Etat actuel du Système éducatif béninois. La qualité du Système éducatif d’un pays dépend essentiellement de la place que lui accorde son élément principal, l’Etat.
Aujourd’hui, il est évident que l’Etat béninois a le regard tourné vers l’extérieur pour le “Développement” de notre pays. Cela constitue, implicitement, le refus du Développement de ce pays, en dépit des professions de foi de ses dirigeants. Nulle part au monde, pareille situation n’a été réalisée, à savoir : le développement d’un pays par des experts étrangers, sauf dans les cas de « colonisation de peuplement » (Amérique du Nord et Australie, par exemple).
En d’autres termes, aujourd’hui, de manière plus évidente qu’avant 2016, l’Etat du Bénin n’a cure d’un Système éducatif chargé de fournir des compétences pour couvrir les aspirations du peuple béninois : en matière de besoins de santé, de construction de ponts et chaussées, d’encadrement des producteurs agricoles, etc…
Il compte sur les “experts belges, canadiens, français, etc…” Quelle illusion ! Quelle grave ignorance historique ! Que faire face à cette triste réalité ? Tôt ou tard, il faudra convoquer une Assemblée générale de représentants des différents secteurs d’activités de la Nation béninoise pour concevoir et adopter un Système éducatif de développement pour ce pays, le Bénin.
Principales caractéristiques d’un Système Educatif de Développement (selon votre serviteur, Ogoubi DAÏNOU) :
1°) Il ne reviendra pas à l’Etat seul (par l’intermédiaire de ses institutions, Exécutif et Législatif notamment), à aucun moment, de modifier, le Système Educatif Formel qui aura été conçu et adopté, pour une période donnée, par des représentants des différents secteurs d’activités de ce pays, le Bénin ;
2°) Ce système éducatif doit être la principale priorité de l’Etat, à travers : a/ des formateurs bien qualifiés et bien rémunérés (rémunérations indépendantes de la grille générale de rémunérations des fonctionnaires de l’Etat : l’enseignant titulaire du baccalauréat, par exemple, doit être mieux rémunéré que son homologue en poste dans un autre secteur d’activité de la Fonction Publique, ce qui rendra la fonction d’enseignant très attractive pour les meilleures compétences du pays) ; b) des séances de recyclage périodiques doivent être organisées au profit des formateurs pour les aider à acquérir des connaissances plus élevées dans leurs domaines d’activités respectifs, compte tenu des progrès continus de la Recherche dans ces domaines ;
3°) Chaque offre de formation doit être “allégée” par rapport au nombre de disciplines obligatoires exigées de l’apprenant, mais “denses” par rapport au niveau de connaissances final atteint dans chaque discipline obligatoire, du fait de l’association de la théorie et de la pratique dans les disciplines scientifiques et techniques, le plus souvent. La règle d’or dans ce Système Educatif de Développement sera : « A une tête pleine (de bla-bla) », on préférera une « tête bien faite » ;
4°) De la délégation au Privé, par l’Etat, d’une gestion d’offres de formation : Pendant la période coloniale et la 1ère décennie de notre Indépendance formelle, le privé confessionnel (chrétien surtout) était impliqué dans la gestion de certaines offres de formation : écoles primaires et secondaires notamment. De 1973 à 1990, l’Etat s’était totalement chargé de l’éducation formelle des béninois. Mais, avec le “Renouveau démocratique”, on a assisté à un retour de l’implication du privé dans la gestion de beaucoup d’offres de formation.
Toutefois, contrairement à ce qui se passait avant 1973, l’Etat ne leur accorde aucun soutien. C’est donc le peuple béninois qui fait les frais de cette situation : la gestion d’une offre de formation est très coûteuse et, sans l’aide de l’Etat, ce sont les parents d’apprenants, qui mettent la main à la poche. Or, la formation des jeunes générations est une responsabilité entière de l’Etat. C’est pour ces raisons que le Système Educatif de Développement, à concevoir et à adopter, doit remettre à l’Etat la responsabilité qui lui incombe en l’obligeant à apporter un soutien au secteur privé capable de gérer correctement une offre de formation.
A travers un support (partiel ou total) du personnel enseignant du secteur éducatif privé. Mais, en échange, ce secteur doit aussi cesser de ne fonctionner qu’avec un personnel enseignant “vacataire” : chaque établissement éducatif privé doit avoir un personnel enseignant à sa charge sur la durée, y compris la retraite ;
5°) De la place de certaines offres de formation :
a/ Celle de l’Histoire : L’enseignement de l’esclavage et de la colonisation auxquels les peuples sud-sahariens ont été soumis par les arabes et les européens devrait être un moyen sûr pour susciter l’indignation et, par ricochet, le patriotisme dans les cœurs des enfants de cette partie du monde. Voilà pourquoi un tel enseignement doit avoir une place de choix dans nos collèges et nos universités, afin que, de la révolte, nous passions à une nette compréhension des défis à relever par l’ensemble de ces peuples. Un enseignant de l’Histoire de l’Afrique sud-saharienne devrait être un patriote de l’Afrique sud-saharienne. Et le nouveau Système éducatif de Développement devrait veiller à engendrer beaucoup de jeunes patriotes de toute l’Afrique sud-saharienne, sans en faire, de manière excessive, des Historiens de profession ;
b) Celles du Droit et de la Sociologie : Il faudra réduire, dans nos Facultés, l’importance quantitative de ces 2 disciplines : trop d’apprenants du Droit ou de la Sociologie ! Des apprenants dont beaucoup, à la fin de leur formation, vont, de collège en collège, à la recherche de postes d’enseignants du français.
6°) Des sanctions applicables aux enseignants paresseux / vicieux : Si l’enseignant, à tous les différents niveaux du Système éducatif de développement, mérite d’être choyé, il ne lui sera pas pardonné certaines dérives que l’on observe aujourd’hui, dont les brimades auxquelles sont soumises leurs apprenantes qui n’acceptent pas la prostitution qu’ils leur proposent en échange de bonnes notes d’évaluations non méritées, ou la paresse. De tels comportements ne méritent que l’éjection du rang du personnel enseignant, sans rien d’autre en échange (révocation de la Fonction Publique).
Telle est ma vision du Système éducatif de Développement à concevoir et à adopter par des représentants des différents secteurs d’activités du Bénin.
Auteur : DAÏNOU Hortense Ogoubi,
a/ Professeur de SVT (16 Octobre 1972-08 Septembre 1981) et proviseur (Février 1978-08 Septembre 1981) du Lycée Mathieu BOUKE ;
b/ Préparation et soutenance d’un Doctorat de 3ème cycle de Génétique (Université Paris VII : octobre 1981-mars 1985) ;
c/ Enseignant-chercheur de Génétique à la FAST/UNB/UAC d’Abomey-Calavi (Avril 1985-Décembre 2006) ;
d/ Directeur Ecole Normale Supérieure de Natitingou (08 Janvier 2007-30 Septembre 2009).
Retraite à partir de cette dernière datte.
Porto-Novo, le 02/02/2024. H. O. DAÏNOU