Le Directeur général du centre culturel Artisttik Africa, Ousmane ALEDJI dans ce numéro de l’initiative Trente jours d’hommage à Jérôme Carlos dépose ici son texte d’hommage.
Jérôme CARLOS : TROP GRAND POUR MOURIR
J’étais sur la grande terrasse qui tient lieu de toiture à ARTISTTIK AFRICA quand l’un de mes deux amis et collègues avec qui je partageais un verre en disant du bien du Président Talon, m’a annoncé la nouvelle de sa mort. Sur le coup, j’ai suspendu mon geste. Mon verre était presque à la hauteur de mes lèvres. Quelques secondes de vide, le temps que le choc redescende et j’ai vidé mon verre. Entièrement. Mes amis qui connaissaient mes liens avec Monsieur CARLOS me fixaient, attendant, ma réaction, mes premiers mots. Puis, dans un soupir, je m’entends dire distinctement : << Ça fait quelques mois qu’il se bat. Parfois la mort est une délivrance. Monsieur CARLOS ne peut plus mourir. Il est trop grand pour mourir. Beaucoup trop grand pour mourir >>. J’ai continué à parler seul à la fois confus et honteux. Coupable aussi.
En effet, depuis le rappel à Dieu de feu Professeur TEVOEDJRE, son voisin, chez qui je me rendais régulièrement, nos échanges sont devenus rares. La dernière fois qu’on s’est parlé au téléphone, je lui ai promis une visite, promesse que je n’ai pas tenue. La voici, ma faute. Pour cela, je te demande pardon »FOFO OMANWÉ »
M Jérôme CARLOS C’est d’abord et avant tout un immense citoyen qui se sera servi de ses talents d’écrivain pour militer sur tous les fronts où ses convictions l’ont conduit sans jamais se souiller, et ceci, jusqu’à la fin de sa vie.
Devant une telle perte,
admettre sans plus – notre impuissance devant l’irréversibilité de la mort relève d’une fuite de responsabilité. Oui oui oui ! Nous pouvons faire quelque chose : à commencer par chérir le lien qui le lie à chacun d’entre nous. Notre pays peut faire quelque chose… une école des métiers de la presse qui porterait son nom. Par exemple… Ou tout autre projet semblable. Pourquoi pas ?
Celui qui comme Jérôme CARLOS a passé sa vie à semer dans la mémoire des autres a vaincu la mort. C’est dans la mémoire des autres que les mortels se taisent, disparaissent, c’est aussi dans la mémoire des autres que les immortels font des enfants, se perpétuent, de génération en génération.
Un pays doit savoir loger dans sa mémoire, à la place qu’ils méritent, les plus illustres de ses enfants.
Le Président Patrice TALON ne saura jamais combien notre doyen a pesé dans sa conquête du pouvoir d’État. Il est beaucoup trop professionnel et beaucoup trop pudique pour hurler son soutien à un candidat comme le ferait un jeune fanatique dans l’attente d’une récompense. Il opérait (c’est un aveu) comme un évangéliste dont la mission était de convertir subtilement les esprits irréductiblement critiques. Je lui dois ce qu’il appelait »le parti pris clair et sans ambiguïté » de mes propos et postures pendant toute la campagne présidentielle. Feu Vincent folly qui publiait systématiquement mes chroniques dans son journal »LA NOUVELLE TRIBUNE » en sait quelque chose, lui qui jouait le rôle de relai entre son lectorat et moi. » Le doyen Carlos veut savoir si tu as voyagé » me raportait-il souvent, les fois où je manquais de temps pour écrire. J’écrivais donc des chroniques parfois à la demande du doyen Jérôme CARLOS et vu que je me savais attendu, j’avais intérêt à m’appliquer. Bref… Je veux ici donc saluer l’ami, le Fofo, le citoyen précieux et le formateur discret.
Pour finir, J’insiste: nous pouvons faire quelque chose. Nous devons faire quelque chose si nous ne voulons pas demeurer des corbeaux irréductibles qui nous livrons comme d’habitude à un concert de louanges sur la dépouille de nos illustres frères et amis.
MERCI infiniment pour tout cher » Fofo OMANWÉ ». Paix profonde à toi.
Ousmane ALEDJI, écrivain, dramaturge, opérateur culturel,
Directeur général du centre culturel Artisttik Africa