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Contexte politique de ni paix ni guerre au Bénin : l’appel du Professeur Augustin AÏNAMON

  • juillet 25, 2023
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Contexte politique de ni paix ni guerre au Bénin : l’appel du Professeur Augustin AÏNAMON

Dans le contexte sociopolitique actuelle, ni gouvernants ni gouvernés, personne n’est à l’aise, jure le Professeur Augustin AÏNAMON. Le prix payé par les premiers pour entretenir la paix ainsi est trop élevé pour tenir dans la durée poursuit-il. Puisant dans l’Histoire, la philosophie et la morale, l’universitaire propose quelques ressources aux citoyens et décideurs du moment. Crystal News publie l’intégralité de sa réflexion

Je déplore en ce moment pour notre société une situation d’inconfort certain à la fois pour ceux qui détiennent le monopole de la force publique et pour ceux qui dans la forme tout au moins subissent les rigueurs de la loi (même s’il s’agit parfois de lois inintelligentes, affligées de crétinisme ou même de lois franchement monstrueuses). Voici donc un pouvoir qui ne sait que faire de ses prisonniers politiques plutôt encombrants, même s’il lui arrive de penser (et il aurait tort de le penser) qu’il a affaire à des « tous pourris et tous incapables de défendre leurs droits ». Les Béninois ne sont peut-être pas comparables aux militants de l’ANC qui se sont partagés les rôles aux temps forts de l’apartheid mais les situations exceptionnelles peuvent révéler des dirigeants et des militants exceptionnels et les pouvoirs ignoreraient cette vérité universelle à leur grand péril. La vocation de tout pouvoir, même de fait et même s’il est retrouvé au-devant de la scène par la force des choses, par hasard ou même par erreur, est de travailler pour le développement de son peuple s’il ne veut pas se retrouver en situation de guerre (non déclarée mais permanente) contre ce peuple au point d’utiliser l’essentiel des moyens de l’État pour sa propre survie. C’est une situation qu’on ne pourrait envisager dans la durée pour aucun pays, même si la responsabilité première doit revenir au peuple organisé et mobilisé pour la défense de ses intérêts bien compris et bien identifiés. Pour l’instant je ne peux avoir qu’une attitude pédagogique en direction des gouvernants comme des gouvernés (déformation professionnelle oblige) et en pariant sur l’intelligence des uns et des autres, même si pour l’instant ce sont ceux qui se retrouvent en position d’infériorité devant les détenteurs du pouvoir de l’instant qui en paient le prix fort. Cette situation de détresse humaine ne devra cependant jamais nous amener à transiger sur les principes et les valeurs, avoir un double langage et jeter tous les torts sur ceux qui sont aujourd’hui embastillés, souvent sans fondement et par la seule volonté du prince. La force et la ruse ont toujours été au cœur des relations sociales mais je conseillerais à chacun et à tous de se remémorer cette phrase de Tristan et Yseult, mythe médiéval normand: « démesure n’est pas prouesse » et cette autre phrase de Talleyrand, pour ne pas prendre les 12 millions de Béninois pour autant d’abrutis: « Tout ce qui est excessif est insignifiant! ». Cette phrase de Talleyrand qui a aussi reconnu que l’excès de puissance est illusoire et que l’on peut tout faire avec une baïonnette sauf s’assoir dessus ne laissera personne indifférent dans la situation géopolitique actuelle. Dans le domaine de la stratégie militaire la ruse et la force (je rejette énergiquement la rage comme relevant d’un pouvoir qui a perdu tout repère) ont chacune une double acception. La force suppose une capacité physique et matérielle (mais on peut considérer aussi une force morale, la force de l’amour et de la solidarité et la force de la foi en Dieu) mais elle représente aussi une vertu qui est associée à cette capacité: ce sont notamment l’honneur et le courage du bon soldat. Nous souhaitons de ce côté avoir encore beaucoup de soldats de cette trempe dans nos armées. La ruse a quant à elle un statut moins assuré, étant définie à un premier niveau comme un procédé tactique qui renvoie à un « coup de main », une forme de rouerie, de roublardise et même de duperie. Mais les Béninois peuvent-ils encore être victimes de duperie, chacun étant pathologiquement méfiant vis à vis de son voisin? Mais la ruse ne saurait être réductible à un « coup de main « , car à un deuxième niveau, plus stratégique en somme, elle renvoie à une forme d’intelligence pratique, avec une grande faculté d’adaptation et d’anticipation. On peut même l’assimiler à une intelligence créatrice qui est incompatible avec la violence. L’intelligence précède la violence pour la prévenir et l’éviter ou malheureusement après que cette violence qui est définie comme la force qui échappe à tout contrôle, s’est installée, pour en évaluer les dégâts. Il faudrait que les Béninois sachent où ils se situent aujourd’hui par rapport à ces deux étapes. Pour finir cette petite réflexion, je voudrais appeler les Béninois à faire preuve d’intelligence créatrice et à relire la fable de la Fontaine sur le lion, roi de la forêt et le moucheron, qualifié d’excrément de la terre par ce dernier. L’avorton de mouche, ennemi invisible, a amené la rage du roi lion à s’autodétruire. Malheureusement pour l’insecte du combat qui est allé partout annoncer sa victoire, sans prendre les précautions requises, a rencontré en chemin l’embuscade inattendue d’une araignée. Ce fut aussi sa fin. Je vous lis entièrement la dernière strophe qui constitue aussi la morale de cette fable qui pourrait être bien utile à nos concitoyens: « Quelle chose par-là peut être enseignée?J’en vois deux dont l’une est qu’entre nos ennemis Les plus à craindre sont souvent les plus petits; L’autre, qu’aux grands périls tel a pu se soustraire, Qui périt pour la moindre affaire. « Le lion et le moucheronJean de la Fontaine, Fables, Livre Ii, 9 »

Professeur Augustin AINAMON

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Samuel HOUNDJO

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