La montée du matérialisme et l’influence des intérêts personnels minent les fondations de la fraternité en Afrique, où politique et religion, au lieu de servir le bien commun, s’érigent en forces divisantes. Dans un appel à l’éthique et à la dignité humaine, Simon-Narcisse Tomety dénonce les dérives de ces deux puissances et exhorte les dirigeants et les fidèles à renouer avec les valeurs de solidarité, pour un vivre-ensemble apaisé.
Dieu, l’éthique et le diable : la panne des fraternités au cœur de la politique et de la religion.
Quand le mal est couvé dans son propre camp, on ne le nomme que si le mur commence par être lézardé au point de risquer l’écroulement ; alors un discours flamboyant sur la haine réconcilie la politique et la religion.
Les deux sœurs ennemies que sont la politique et la religion divisent partout en Afrique les peuples en causant des guerres et misères. Elles minent les consciences, divisent les cœurs et poussent au corps à corps pour fragmenter les sociétés humaines. La politique et la religion pactisent contre la fraternité parce que la doctrine philosophique des deux diviseurs c’est le *pouvoir suprématiste de l’argent dans la foi*. Cette course ambiante effrénée au matérialisme contrarie ce que devrait être la vie du croyant-pécheur.
La place du pouvoir de l’argent est si prépondérante dans la religion qu’on doute de moins en moins de la l’impact de la religion sur le politicien, la politique et les politique publique face à la compétition matérialiste qui s’instaure entre les deux. Les religions s’embourgeoisent à tel point qu’on se demande si Dieu est véritablement dans les lieux de culte et aux côtés des pauvres et des persécutés?
– Pourtant, la politique nous impose le ministère du serviteur du peuple et la religion c’est le sacerdoce du serviteur de Dieu pour les enfants de Dieu.
Dans une prière musulmane suivie le samedi 09 novembre 2024, notre conscience empathique fut interpellée, nous renvoyant à une méditation sur la vie de l’homme.
– On nous apprend que la seule certitude de l’homme est la mort car toute procréation est une fusion et toute mort est une fonte. Alors, pourquoi la course à l’accumulation des biens de ce bas-monde par les politiciens, les religieux et leurs fidèles?
– Pas un pas sans parti politique, sans un lieu de culte et sans une colonie de citoyens pauvres qui sont persécutés par des politiciens et des religieux fortunés. Une évidence accompagne ce prêche musulman qui nous enseigne encore que le bien et le mal que l’homme accumule de son vivant ne suffisent pas pour être sur la liste des préqualifiés pour le paradis ou l’enfer.
Heureusement que nous sommes tous soumis à ce tri décisif car nous sommes trop hypocrites et Dieu le sait pour ne pas laisser ceux qui ont mené une vie sournoise sur terre aller voler les places réservées des honnêtes hommes au paradis. C’est dire que l’admission au paradis relève du pouvoir discrétionnaire de Dieu qui Seul sait à qui accorder cette grâce suprême.
Alléluia ! Toi qui diffuses la haine, toi qui criminalises le pardon, toi qui juges et condamnes des innocents sur la base d’une sentence orgueilleuse, corrompue et lâche, est-ce que tu crois que tu sers ton Dieu en humiliant une créature de Dieu ? Chaque fois que tu prends une décision, c’est toujours pour servir ton Dieu ou pour fortifier ton diable. Et oubliant que Dieu et diable coexistent déjà dans le cœur de chaque personne, libre à chacun d’agir par amour ou par haine. Et chaque fois que la haine gouverne tes pulsions dans un choix décisif, tu fais du mal à toi-même d’abord pour ensuite faire souffrir tes victimes.
– La haine est une misère partagée mais les victimes finissent toujours par avoir le dessus. Il faut être patient et attendre le moment du renversement de la pyramide des injustices.
Corrélativement, chaque fois que les pulsions obéissent aux injonctions du diable, les hommes le ressentent dans les abus et les extravagances qu’ils endurent* par la soumission à la loi de l’omerta et sous l’emprise de la peur.
Dans ce silence paraissant une lâcheté, il y a une sécrétion déferlante d’un flot de malédictions sur les persécuteurs. La vie du riche et du pauvre repose sur l’arbitrage par chacun de sa propre bataille entre son Dieu et son diable.
Chaque fois qu’un fidèle d’une religion se laisse corrompre ou vole par exemple un milliard de francs CFA, cette somme appartient à Dieu avant tout usage indécent et toute possession illicite ; quand cet argent prend les caractéristiques d’une indécence, ce patrimoine enrichit le diable qui devient un donneur d’ordre pour son utilisation.
– Vous êtes fortunés mais à qui appartient votre fortune ?
Qui vous ordonne d’escalader le mur de l’éthique ?
Qui vous servez désormais avec zèle ? Qui opprimez-vous sans état d’âme ?
Chacun en se posant ces questions soumet sa vie au culte de l’éthique et à la *sagesse de la foi : tout n’est pas permis et tout n’est pas interdit ; toute dignité humaine repose sur la loi des restrictions ou de l’autocensure responsable afin d’éviter les démesures dans le bien comme dans le mal.La fortune divine appartient au bien commun mais la fortune satanique est la propriété de celui qui amasse la fortune maudite pour priver les autres de leur mieux-être.
En définitive, seule l’éthique est la vraie religion de l’homme car sa puissance contrôle nos pulsions et les freine pour ne pas abuser du bien qui crée chez certains un sentiment prétentieux de surpuissance.
– C’est l’éthique qui est garante des droits humains ; ce n’est ni la loi, ni la religion, ni la politique.
C’est l’éthique qui fonde et fait prospérer la démocratie en lui imposant le droit à la liberté, à la solidarité et à la fraternité pour que règne la sécurité humaine. Là où règne l’éthique, l’opacité fuit et la transparence s’impose comme mode de gouvernance et l’hygiène de vie. Partout où les espaces sociaux et institutionnels sont privés de parole et l’hypocrisie, la démocratie recule, règne en maître absolue l’indécence avec des femmes et des hommes tous masqués en vue de camoufler leurs actes criminels. A la place des souffrances des victimes de nuisances collectives, chacun fait l’éloge de la dictature jusqu’au moment où les promoteurs de la dictature sont pris à leurs propres pièges. Le divorce est consommé et la méfiance au sein du clan est plus forte que jamais. Quand on prend l’habitude de se mentir en permanence, tout finit par des éclaboussures à eau puante.
– Où sont les amis dont on parle avec assurance ? Que le peuple soit ton vrai bouclier et ton meilleur ami, sinon ne cherche à occuper aucune fonction publique. L’éthique étant le référentiel pour prononcer toute rupture de ban en situation de gouvernance normale et de crainte de Dieu, les exclusions sont souvent des agissements indignes d’une classe politique avide de monopole et d’une administration judiciaire instrumentalisée. Dieu est alors éthique et diable est un laissez-passer permanent avec des excès en tout. Dieu est la pulsion de la sagesse, diable est la pulsion de toutes les démesures.La religion ou la relation aux autres par la foi partagée est d’abord une question essentielle d’éthique. *Notre monde moderne est fait de tricheries à tel point que la foi portée par le politicien est rarement une foi religieuse à suivre*. Suivre un homme politique qui prie Dieu, sachez qu’il prie pour le diable. – *Je préfère un homme ou une femme qui ne revendique son appartenance à aucune religion mais reste fortement attaché à l’éthique et à la simplicité dans tout acte qu’il pose pour honorer la dignité humaine.Il s’ensuit que le triptyque
Pouvoir – Profit – Perte (3P)
doit être le repère de toute personne qui choisit de servir avec désintéressement, sans hypocrisie, sans esprit revanchard, surtout avec justice, amour et compassion son peuple.
– Servir Dieu ne dépend d’aucune position dominante, au contraire Dieu est exigeant avec les dirigeants dont leur mission est non seulement sacerdotale et incarnée dans l’exemplarité mais ces derniers doivent se soumettre à la reddition de compte au peuple afin que chaque peuple puisse vider ce qu’il couve dans l’amertume et dire aussi ses satisfactions dans la fierté et en toute transparence.
Pour cerner le sens de la fraternité en politique et en religion, c’est Merlin CAROTHERS (1999), dans son livre de référence De la peur à la foi qui nous permet de comprendre que la conviction dans la foi est le moyen de résister à la déstabilisation de l’être humain par les inséminateurs de peur qui excellent dans l’humiliation. Ce comportement persécuteur alimente inutilement des rapports de force qui déshumanisent les persécuteurs et leurs victimes.
Le philosophe béninois Paulin HOUNTONDJI n’a-t-il pas raison d’inviter à la modération dans leurs colères ceux qui exercent un pouvoir sur une communauté d’hommes afin que ceux qu’ils dirigent ne soient pas déshumanisés par un excès de peur* au point de réduire leur vie à celle d’un hypocrite sans principe qui doit obéir à tout abus de pouvoir au mépris de l’amour pour le prochain ?
– La colère est l’orgueil du pouvoir de posture dominante et de l’argent-roi; la peur est un sentiment de vulnérabilité momentané de celui qui se croit faible et persécuté face à l’arrogance de l’homme enragé et ravagé par une colère tenant lieu de son incinération. La colère est un incendie ravageur qui commence par le colérique avant d’atteindre le peureux de l’instant.Un peu de colère et un peu peur, c’est l’état d’un homme raisonnable attaché au refus des excès, convaincu que la seule certitude du genre humain, quel que soit ce qu’il pèse en diplômes, en parcours professionnel, en réseau de relations, en billets de banque et en patrimoine physique, c’est la MORT.
La vanité est l’éloge de tous ceux qui ne sont rien devant la vie et la mort de leurs semblables et se croient puissants pour cracher le feu quand ils veulent. Les hommes-dragons sont-ils des immortels? La colère alimente le complexe de supériorité et la peur stimule le complexe d’infériorité. Les deux complexes sont des pathologies. Trop de colère alimente la haine et trop peur produit la méfiance en détruisant la confiance et la fraternité. – Pour l’Abbé Pierre, L’enfer, c’est la solitude de celui qui s’est voulu absurdement suffisant.
– Selon Ambrose Bierce, la vanité, c’est l’hommage d’un imbécile aux qualités d’un âne très intime.
– D’après Antoine de Saint-Exupéry,
Pour les vaniteux, les autres hommes sont des admirateurs.
– Pour Jacques-Bénigne Bossuet, Tout est vain en nous, excepté le sincère aveu que nous faisons devant Dieu de nos vanités.
– Pour Paulin Hountondji, Avec un peu de colère et un peu de peur, la fraternité est agissante dans un système de gouvernance où chacun a sa place et sa carte à jouer pour le vivre-ensemble*.Qui vous nuit se nuit. Apprenons à vivre simplement pour rendre le vivre-ensemble possible.
Simon-Narcisse TOMETY