Dans une tribune, le Professeur Simon-Narcisse Tomety énumère et présente les trois corps de métier qui font reculer le Bénin depuis 2016 à nos jours d’après lui. Crystal New vous donne lecture de cette tribune par la voix de Virgile AHOUANSÉ.
Mes déceptions : le Bénin, un pays de pagailles embourbé dans l’hypocrisie
« Si je vous donne un ordre qui est contraire à la sauvegarde de l’unité nationale, à la sauvegarde de l’intégrité territoriale, un ordre contraire à votre conscience en tant que citoyens béninois, vous devez refuser, même si vous êtes réquisitionnés. » Général Mathieu Kérékou, Président de la République du Bénin
Les trois corps de métier qui ont fait disjoncter le Bénin de 2016 à 2023 sont les juristes, les journalistes et les agronomes ou les agro-politiciens.
Les juristes sont principalement ceux qui ont démoli le socle de l’Etat de droit ; c’est tout de même curieux quand le droit devient la science de la pagaille et l’escalier de tous les abus savamment organisés. J’ai honte pour tous mes amis qui évoluent dans cet univers des tombeurs des libertés fondamentales. J’invite humblement cette corporation de juristes surtout, les magistrats, les avocats et les professeurs de droit à procéder à un examen de conscience en lien avec la déontologie du métier et leurs serments pour revenir demander pardon au peuple béninois. Juristes de mon pays, vous avez déçu et trahi.
Au nom de ma citoyenneté, je vous applique mon droit de vous dénoncer. Je n’en veux pas aux forces de défense et de sécurité (FDS), car c’est de la pagaille des lois votées au parlement et des décisions injustes des tribunaux, surtout ceux d’exception, quand les militaires et les policiers, dans l’exercice de leurs missions, sont obligés de se mettre du côté du pouvoir exécutif pour s’en prendre à leurs propres populations au nom d’un concept de duperie appelé la violence légitime d’Etat en vue d’instaurer l’état de peur permanent. Et pourtant, à l’école de guerre sont enseignés trois principes sacro-saints qui doivent éclairer tout porteur républicain d’arme :
Principe de l’Armée-Nation : la défense du territoire et la protection des populations constituent une dette envers les Ancêtres, la Patrie et les Générations futures, d’où tout vrai soldat est d’abord un citoyen patriote responsable avant de regarder et faire crépiter son arme de guerre. Le bon soldat, par sa force de mise en confiance, est un bâtisseur du vivre-ensemble. Alors, incombe aux FDS la responsabilité sociétale des Armées dans le processus d’édification d’une nation. C’est pourquoi, l’Armée a pour fondement social et culturel, le brassage des ethnies et le mariage entre les ethnies afin d’éviter toute sorte de clivage ethno-régionaliste pouvant fragiliser la cohésion sociale des frères d’armes et l’entretien de leurs forces mentales.
Principe philosophie 3 D : Dialoguer – Désamorcer- Défendre. Ne jamais inverser l’ordre des D même en situation d’état d’urgence. Autrement dit, une Armée, quel que soit le corps, doit faire de pédagogie dans les relations inter-corps pour ne jamais se battre entre eux au point d’en arriver à une mutinerie et par ailleurs dans les relations avec les populations pour éviter de brutaliser sans expérimenter la voie du dialogue pour apaiser avant de faire usage de la force. Le soldat ne se défend pas, c’est la république et ses symboles qu’il défend, et en le faisant, il se défend lui-même.
Principe de l’honneur par la discipline militaire fondée sur l’apprentissage de la solidarité avec son peuple : on obéit à la loi, on se soumet à son peuple et on respecte sa hiérarchie. Ce triptyque de l’éthique fait la force des Armées. Cette discipline impose aux officiers supérieurs de ne pas organiser en parallèle de l’Armée nationale des milices attachées à tel ou tel camp pour organiser des rapports de force antagonique qui aboutissent à la division des soldats avec pour conséquence de déclencher des guerres civiles pour satisfaire des ambitions personnelles de conquête et de confiscation du pouvoir d’Etat par des militaires. C’est au nom de l’honneur qu’une force armée se bat pour sa respectabilité afin de demeurer digne de sa mission républicaine et loyale à sa vocation. Une Armée n’est digne que par sa capacité à demeurer sous le drapeau et à respecter la Constitution du pays avec des soldats qui demeurent attachés au peuple souverain et jouissant individuellement d’une conscience citoyenne d’engagement pour la sauvegarde de la paix.
Quant aux journalistes, beaucoup ont perdu leur liberté d’investigation, d’opinion et d’écriture. Ils ne sont pas autorisés à dire la vérité des faits surtout ceux qui briment les intérêts du peuple. Ce corps de métier est en permanence surveiller comme du lait sur le feu par les FDS, les tribunaux et les mécanismes de régulation souvent au service du pouvoir exécutif pour réduire à sa plus simple expression la liberté de presse donc un journaliste qui n’est pas libre d’agir dans son espace de risque éthique et qui doit en permanence roder autour des zones de confort des gouvernants, finissent par jouer le rôle de répétiteurs de ce que veut le pouvoir exécutif. La grande majorité des journalistes sont de moins en moins professionnels et doivent leur survie aux prestations propagandistes des acteurs politiques de la mouvance ou de l’opposition. Combien ne sont-ils pas devenus démagogues à pensées uniques, errants et opportunistes, profiteurs des puanteurs parfumées pour rendre l’odeur des dictées moins répugnantes;
Enfin mes sacrés agronomes rongeurs des espérances paysannes qui ont fait des études agronomiques pour organiser l’appauvrissement des paysans, oubliant que ce sont d’abord les paysans qui font un pays et non un palais présidentiel et un ministère de l’agriculture. Les agronomes, à l’exception des rares attachés à l’éthique, sont des agro-politiciens qui font perdurer le cercle des AMIWO-CLUBS au Bénin. Pour avoir fait par deux fois un cabinet de ministre du développement rural, je les accuse car j’ai compris le sadisme de certains agronomes. L’exploitation agricole n’est plus un champ mais une entreprise avec un compte d’exploitation par culture et de plus en plus, les paysans savent comparer les productions pour décider ou d’arrêter celles qui ne sont pas rentables, les surendettent en les mettant dans un état structurel de pauvreté pour les uns et de misère pour les autres. Ils ont comploté contre le monde paysan depuis 63 ans. Quel vrai paysan qui est multimillionnaire ou possède un milliard de Fcfa en banques ? Et pourtant, les paysans ont produit non seulement tout le temps des viviers et des cultures d’exportation, c’est encore eux qui ont produit la plupart des grandes fortunes du Bénin. Nous avons une dette morale et éthique envers ces paysans. Nous sommes tous des ingrats et je pèse mes mots.
Que j’étais touché de voir une délégation des paysans béninois en séjour en France se déplacer jusqu’à Limoges pour assister en personne à ma soutenance de thèse en octobre 1997. Si j’avais la réputation d’un escroc et d’un corrupteur, allaient-ils me célébrer devant les Blancs ? Il y a encore des paysans en vie parmi les producteurs de coton qui étaient à Limoges. Je resterai toujours honnête et loyal à toutes les causes justes du monde paysan.
Nous n’avons pas à les surexploiter pour vivre comme des punaises suceuses sur leurs dos. Il faut tout de même avoir un peu de cœur pour ses paysans nourriciers du pays qui sont sous la pluie, sous le soleil et dans des friperies en haillons dépendant de l’endettement et du surendettement. Ce que nous oublions, c’est que les paysans de 2023 ne sont pas ceux des années 60, 70 et 80. C’est fini le temps où tout agronome est formé pour être le Glégan ou Glé-Sigan, c’est-à-dire le chef des paysans, un peu comme si le paysan est désormais un agent de l’Etat ou d’une société d’intervention figurant dans un organigramme (hiérarchie des postes et des responsabilités) et un ordinogramme (chaîne de décisions et de redevabilité) auprès de qui ces paysans doivent recevoir quotidiennement des instructions! Ce temps qui perdure depuis la période esclavagiste en passant pas la période coloniale et celle du néolibéralisme qui est le règne du monopole systémique est révolu. Les paysans se sont réveillés et demeurent en éveil et plus rien ne sera plus comme avant. Ils s’organisent partout pour faire entendre leurs voix, valoir leur pouvoir coopératif de négociation et choisir librement leurs spéculations sur la base des avantages comparatifs. Beaucoup sont instruits, formés au leadership paysan et aux techniques de négociation. Certains paysans sont d’ailleurs des ingénieurs et techniciens agricoles dans différents domaines des productions végétales et animales avec une insertion dans des chaînes de valeur, en transformant de plus en plus leurs produits pour élargir leurs marges bénéficiaires. Dans ces domaines, certains bureaucrates, ministres ou conseillers du ciel et de la terre ne leur viennent pas à la cheville. Il faut en tenir compte sinon, vous allez plonger le Bénin dans l’incertitude économique et l’insécurité alimentaire. Je donne ces conseils, me fondant sur la méthodologie d’analyse d’impact de la réglementation (AIR).
De l’ignorance, je n’ai nul désir. Quand on ne connaît pas, on apprend sans complexe. Quand on connaît, on enseigne.
Professeur Simon Narcisse Tomety. Institutionnaliste de réformes publiques , Staséologue , Expert analyste des profils sécuritaires des territoires et des espaces conflictogènes
2 Commentaires
Monsieur TOMETIN a tiré à terre. Si la loi est votée et appelle application, que fera le magistrat et surtout l’avocat à qui l’on opposé la loi?
C’est à l’assemblée que tout ce noue et donc c’est la politique le grand responsable.
RAS. Parfait