Nigeria: les manifestants battent en retraite, mais n’abandonnent pas
La répression brutale de semaines de manifestations contre les violences policières n’a pas altéré l’envie de changement ni la colère de la jeunesse nigériane, même si pour l’instant personne ne sait quelle suite donner au mouvement.
“Les autorités ont tué des manifestants pacifiques de sang-froid, nous sommes toujours sous le choc”, confie Leo DaSilva, manifestant de 28 ans.
Ces trois semaines de manifestations contre les violences policières et de contestation contre le pouvoir ont fait près de 60 morts dans tout le pays, dont au moins 10 au péage de Lekki, à Lagos, selon Amnesty International, déclenchant une vague d’émotion à travers le monde.
Après trois jours de chaos, le calme est revenu et pour les participants au mouvement, l’heure est à la réflexion sur les moyens de continuer à faire vivre la cause malgré les restrictions et la peur.
Feyikemi Abudu et Jola Ayeye, connues sous le nom de FK et Jollz, fondatrices de la Coalition féministe, l’une des nombreuses organisations nigérianes ayant collecté des fonds et aidé à organiser le mouvement, se réjouissent que ce mouvement ait pu “ouvrir le champ des possibles sur tout ce qui peut se produire dans ce pays”.
– Unité –
Anita Izato, avocate de 24 ans basée à Abuja, la capitale fédérale, est particulièrement fière d’avoir participé à ces manifestations.
“Notre plus grande victoire, c’est l’unité. Et créer l’unité, ce n’est pas une mince affaire ici au Nigeria”, explique-t-elle à l’AFP.
Dans le pays le plus peuplé d’Afrique, qui compte plus de 250 groupes ethniques et 500 langues, des religions et des cultures différentes, la jeunesse -essentiellement du sud- s’est entendue sur un objectif commun.
Les manifestants se sont organisés à une vitesse fulgurante, grâce aux réseaux sociaux, certains offrant une aide juridique, ou psychologique, d’autres en payant des factures médicales, ou des frais de transport.
“Il n’y avait peut-être personne à la tête de ce mouvement, mais ils ont fait preuve d’un grand leadership”, note Aisha Yusuf, 46 ans, et militante de longue date pour la défense des droits de l’Homme.
“Ils ont acheminé des ambulances, se sont préoccupés du bien et de la sécurité des gens, presque comme le ferait un gouvernement!”, confie-t-elle à l’AFP.
Les Nigérians de la diaspora ont également pris part au mouvement, organisant leurs propres manifestations à Londres, New York ou Paris, et portant le message de leurs concitoyens auprès de célébrités comme Rihanna, Kanye West ou Lewis Hamilton.
Mais le 20 octobre, les forces de l’ordre ont tiré sur un millier de manifestants pacifiques au péage de Lekki, faisant plusieurs morts et de nombreux blessés et mettant un coup d’arrêt à la contestation.
“Nous avons arrêté de manifester tout simplement parce que nous voulons rester en vie”, poursuit Anita. “Nous faisons de notre mieux pour nous faire entendre, et le Nigeria est notre pays. Mais il ne vaut pas la peine de mourir”.
Désormais, comment exprimer sa voix ? L’un des défis d’un mouvement sans leader est que chacun y apporte ses propres revendications: certains veulent la création de groupes de réflexion, d’autres un parti politique. Des voix encouragent d’ailleurs les jeunes à se concentrer sur les prochaines élections, en 2023.
Avec AFP
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