Patrice Talon, a été réélu mardi avec plus de 86% des voix
Arrivé au pouvoir une première fois en 2016 avec une image de businessman fonceur et moderniste, le président du Bénin, , dans un scrutin où il était « face à lui-même », selon l’opposition: une position qui le conforte.
Lors de l’un de ses derniers meetings de campagne, l’ex-magnat du coton, vêtu d’une élégante chemise couleur ivoire et portant une casquette aux couleurs du Bénin, avait d’ailleurs prononcé un discours sans équivoque: « C’est bon, c’est fini, le K.O (une victoire au premier tour) est déjà dans la poche ».
En homme d’affaires aguerri, Patrice Talon s’est construit lui-même pour devenir la 15ème personnalité la plus riche d’Afrique selon le classement Forbes, avec un patrimoine estimé à plus de 400 millions de dollars en 2015.
Fils d’une famille modeste de Ouidah, une petite ville côtière et touristique, il affiche aujourd’hui à 62 ans avec fierté ses costumes de marques et des voitures de sports.
Armé d’une forte ambition, il a promis au Bénin, petit pays d’Afrique de l’Ouest, la même réussite. Mais de ce parcours fulgurant et sans concession, est née la certitude qu’il est le seul à avoir raison et n’accepte ni la contrariété, ni la compétition.
Il y a cinq ans, lors de cette même campagne, celui qui était alors dans l’opposition assurait pourtant vouloir être le premier président africain à instaurer un mandat unique de sept ans (contre cinq ans renouvelable une fois).
Mais, un an après son arrivée au pouvoir, le parlement a retoqué son projet de révision constitutionnelle et l’échec de son projet phare a bousculé l’égo de l’homme.
Selon de nombreux observateurs, c’est à partir de ce moment-là, que le chef de l’Etat il a durci son mandat et engagé le Bénin dans un tournant plus autoritaire, avec un Parlement, des communes et une Cour Constitutionnelle désormais rangés au parti au pouvoir.
Sans fief et sans réseaux, M. Talon s’est construit en politique en opposition au président Thomas Boni Yayi, ancien allié devenu son ennemi juré, qui représente tout ce qu’il déteste: une vieille garde gangrénée par « les affaires », l’immobilisme et, pire que tout, le laissez-aller.
– Perfectionniste –
Moderniste et « obsédé par les résultats », comme il le dit lui-même, le président béninois veut représenter une nouvelle génération de dirigeants en Afrique.
« Il est obnubilé par le désir de réussite, il veut changer l’histoire de son pays et que l’on se rappelle de lui dans 200 ans », déclare à l’AFP son conseiller en communication, Wilfried Houngbedji.
C’est aussi un perfectionniste: « Il peut arriver dans votre bureau, puis d’un coup repérer le moindre détail qui ne va pas et vous le signaler », confie l’un de ses proches collaborateurs.
Des dizaines de fonctionnaires ont été renvoyés à la moindre faute ou s’ils tentaient de faire ce qu’ils avaient toujours fait: récupérer quelques bakchichs pour arrondir leurs fins de mois.
Sur le plan économique, le Bénin affichait une croissance confortable de près de 7% en 2019, avant de tomber à 2% après la fermeture de la frontière terrestre avec son voisin nigérian et la crise du Covid. Toutefois, les prévisions pour l’année 2021 restent plus encourageantes avec un rebond attendu de 5%.
Dès le mois de mars 2020, le chef de l’Etat béninois déclarait que son pays ne disposait pas des « moyens des pays riches » pour imposer un confinement strict, quand bon nombre de ses voisins adoptaient des mesures asphyxiant leur économie.
Son mandat reste également marqué par les négociations avec Paris pour la restitution d’objets d’art pillés pendant les guerres coloniales et il affiche, de manière générale un rapport décomplexé avec la France.
– « Arrogance » –
Mais cinq ans après son arrivée au pouvoir, si l’élite continue de voir en lui un visionnaire, la classe populaire lui reproche son arrogance et le développement à marche forcée aux dépens des valeurs démocratiques, auxquelles les Béninois sont très attachés.
« Pour lui, ne pas être populaire est un signe de réussite », explique l’un de ses anciens proches.
A la veille de la présidentielle, tous les opposants de poids vivent en exil, la plupart condamnés en justice par contumace à de très lourdes peines de prison et d’inéligibilité.
Après les élections législatives de 2019, puis durant cette dernière semaine de campagne de la présidentielle, des manifestants de l’opposition ont été dispersés par l’armée à balles réelles, faisant plusieurs morts parmi les civils.
« Si vous jouez son jeu il vous laisse tranquille, mais si vous allez contre lui, il vous réprime », affirme un de ses anciens proches.
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