Dans une tribune, le professeur Simon-Narcisse Tomety dresse un constat amer sur le fonctionnement des parlements africains. Selon lui, ces institutions, censées être des lieux de gouvernance exemplaire, se transforment souvent en espaces de compromissions, et d’hypocrisie , au détriment du peuple souverain. Une critique qui invite à repenser le rôle et les valeurs des élus du continent. Lire sa tribune
A quelles conditions, un parlement s’apparente-t-il à un haut lieu de la politique en Afrique ?
Un parlement peut s’apparenter à un marché, un tas d’ordures ou un temps de sommeil et de ronflement. Cependant, aucun peuple n’envoie ses représentants pour aller faire des emplettes, accumuler des déchets ou carrément, aller passer le temps à dormir et baver en attendant le moment des ovations hypocrites pour signaler leurs présences dans l’hémicycle. Le parlement n’est pas un haut lieu de la politique politicienne mais assurément, un grand atelier de production à haute valeur de services utiles au peuple. Finalement, le parlement peut choisir d’être le haut lieu où se polit la cité ou ce haut lieu dans lequel la cité est polluée. Ce n’est pas du tout amusant quand certains députés actifs, recalés ou repêchés utilisent cette notion de haut lieu de la politique sans faire attention aux valeurs qu’ils incarnent eux-mêmes. Lorsque le peuple vous envoie au parlement, c’est pour faire du sérieux et vous devez vous comporter dignement et non vous assimiler à des dévoyés. Un parlement n’est un haut lieu de la politique que si sa gouvernance est digne et les lois produites ne sont nullement méprisantes pour le peuple souverain représenté. Le haut lieu est une hauteur d’esprit en ce que les députés, pris individuellement et collectivement, accomplissement loyalement leurs missions au nom de la république, du peuple et de la patrie, même quand il s’agit d’appartenir à une mouvance présidentielle. Votre meilleur ami dans le vrai est celui qui ne vous laisse pas commettre des fautes lourdes au point d’avoir à le regretter quand l’irréparable est déjà fait. Des partis de la mouvance présidentielle qui ne peuvent pas freiner leurs ardeurs lorsqu’un pouvoir exécutif est dans le mauvais chemin et lui acceptent tout sans lui opposer le moindre esprit critique, cette mouvance n’étant pas crédible, elle détruit l’état d’esprit qui doit prévaloir en toute chose dans l’intérêt du peuple. Il n’y a alors pas de parlement comme haut lieu de la politique là où les politiciens font la politique au rabais en léchant les bottes d’un pouvoir exécutif et son chef comme des béni-oui-oui. Le haut lieu de la politique est ce parlement où la majorité parlementaire n’est pas complexée quand la lumière vient de la minorité parlementaire mais à condition, qu’on ne s’enferme pas dans une logique clanique et de jusqu’auboutisme. Le mois de décembre est le mois des discours sur l’état de la nation et de l’Etat lui-même dans ses rapports au peuple et à la géopolitique internationale. Chaque année, on présente la litanie des réalisations mais on ne nous dit jamais ce qui a changé dans la vie quotidienne des populations avant de nous présenter comment seront belles les perspectives d’avenir. Pour équilibrer un peu le fameux discours, on cite quelques faiblesses pour paraître soucieux des peines endurées et tenant lieu d’un jeu d’élégance du cœur.
Le haut lieu de la politique aura reçu avec ovations à répétition le message. Après, chaque député passe donner son impression à un journaliste et c’est le moment de collecter les félicitations de la hauteur du discours. Ces discours sur l’Etat de la nation changeront de tonalité et de perspective, le jour où le peuple comprendra qu’il faut un contre-discours basé sur ses perceptions et ses ressentis. Le contrôle politique de l’action gouvernementale ne vaut que si le contrôle citoyen s’exprime aussi. La nature du régime politique d’un pays détermine la manière dont s’exercent le contrôle citoyen et les mécanismes de gouvernance participative. Le viseur d’un parlement n’est pas le pouvoir exécutif et le pouvoir de l’argent mais le pouvoir non réducteur du peuple producteur des députés. C’est honnête de reconnaître que la hauteur d’un parlement réside dans les positions idéologiques que chaque parti politique défend sur chaque proposition ou projet de loi. Le vote doit être idéologique dans l’intérêt du peuple souverain et non au bénéfice des intérêts de clans pour engranger des rentes de positionnement sur une liste électorale future ou tous autres actes gratifiants, la corruption pouvant passer par là autrement dit. Il n’y a de haut lieu comme peut l’être, le prétendre ou le devenir un parlement, que si les politiques publiques sont conçues, examinées, votées et contrôlées dans leur exécution sans complaisance et en toute responsabilité dans l’intérêt supérieur de ce peuple, notamment des populations défavorisées et souvent opprimées, et des élites qui sont persécutées pour leurs opinions et leurs pouvoirs d’influence matériels et immatériels.
L’Afrique est malade de ses faux hauts lieux de la politique où se retrouvent des politico-affairistes et des affairo-politiciens qui se servent des populations insuffisamment éduquées pour faire barrage à des élus qui n’ont pas autres arguments que la thèse de fils du terroir, de corrupteur chevronné, de démagogue à la langue mielleuse ou de fils mystificateur qui a longtemps travaillé dans les plus hautes institutions de la planète. Le jour où ces populations deviendraient de vrais électrices et électeurs, beaucoup de faux députés qui se prennent pour de vrais, prendraient leurs retraites et ce serait la délivrance de l’Afrique.
Simon-Narcisse TOMETY
Mon discours sur l’état de l’Afrique des parlements.
