« Vivez votre pauvreté dans la dignité et détournez votre regard pour ne pas voir ceux qui se croient riches… » écrit Simon-Narcisse Tomety, dénonçant la montée d’une culture de malhonnêteté qui gangrène les institutions. Dans cette quatrième séquence, l’expert en approche « Ne pas nuire » éclaire les dangers que représente l’éloge des menteurs dans nos sociétés, appelant à une obéissance éclairée et un retour aux valeurs humaines fondamentales. Lire l’intégralité de cette tribune.
Par Simon-Narcisse TOMETY, Staséologue, expert en approche NE PAS NUIRE
Quatrième séquence : L’éloge des menteurs, pourquoi la malhonnêteté est-elle un danger ?
Une sagesse africaine nous enseigne que «Celui qui est impatient d’avoir un enfant épousera une femme enceinte.»
Les officiers supérieurs et généraux africains écrivent très rarement pour soutenir la relation Armées-Nation en termes d’offres d’éducation à la citoyenneté et au Nexus Paix – Sécurité – Développement. Ce mutisme radical serait la prescription du secret-défense qui est d’une grande étanchéité de la chose confidentielle et faisant des Forces de Defense et de Sécurité un écosystème de mutisme intégral et structurel dénommé la grande muette.
Le Général béninois Tissou Félix Hessou, dans son ouvrage L’esprit de défense, Volume 1 : une réflexion sur la source et le fondement du patriotisme donne une spécification sur l’importance du vivre-ensemble : (…) la paix, base indispensable de tout essor harmonieux socioéconomique de l’Afrique tarde à venir. (…) L’histoire militaire enseigne entre autres que la puissance d’une nation ne se trouve pas dans son armement, ni dans ses vaisseaux ou bombardiers, encore moins dans ses remparts ; elle réside plutôt dans le puissant élan patriotique de ses citoyens. Cette réflexion tirée de la guerre du Péloponnèse qui se déroule entre 431 av. J.-C et 404 av. J.-C oblige le Général Hessou à se pencher sur le cas de son pays en ces termes :
- (…) Le caractère du Béninois semble être tributaire de l’expression de divers intérêts privés mus par des ambitions foncièrement personnelles. Penser d’abord le Bénin avant tout, envers et contre tout, ne révèle point de ses réflexes habituels au quotidien. Ce manque d’amour pour la patrie de la plupart de mes concitoyens constitue, à mon humble avis, un véritable frein à la réalisation des conditions idéales en faveur de l’émergence de la concorde et de la cohésion à l’échelon national. Le Général peint ce tableau en artiste qualifié et du sommet de la pyramide, il voyait l’essentiel de nos vices cachés.
Selon le Général français André de Coustou, la légalité est dans la volonté du peuple et l’obéissance doit s’inscrire dans cette logique de souveraineté du peuple.
Fortement attaché à la relation entre l’Armée et la Nation qui est le fondement de son obéissance, le Général Coustou affirme : « J’ai toujours obéi au ministre, au président, à la république; j’ai toujours servi la France. ». Il s’ensuit que le respect est un sentiment si fort qu’il n’y a aucun autre mot que l’obéissance pour l’exprimer.
Toutefois, il faut noter que n’est éligible au respect que l’honnête homme. Le respect est le mérite de l’homme digne. Trop souvent nous l’oublions et la génuflexion est servie pour glorifier le malhonnête homme à cause des actes gratifiants que nous attendons de lui.
- L’honnêteté est la seule valeur humaine qui ne saurait être relative. On est honnête ou malhonnête en constance de par sa structure mentale, son fonctionnement et ses objectifs de vie, et par ses responsabilités sociales.
A cet égard, la politique c’est quelque chose de noble et de bon effluve mais les hommes l’ont rendu si malsaine que sa seule vocation est de produire davantage de malheureux, de mystificateurs et de malhonnêtes. La malhonnêteté relève du pouvoir occulte et jamais du pouvoir du peuple.
Une exploration institutionnelle dans les écosystèmes militaires permet de comprendre la relation entre la politique et l’Armée. « Nous autres, militaires, nous sommes comme des mentaux dont on ne se souvient que quand vient la pluie. » Cette phrase du maréchal Maurice de Saxe est comparable à une orange que les politiciens sucent jusqu’à la dernière goutte de jus avant de la balancer.
- La relation entre les politiciens et les forces de défense et de sécurité sont de plus en plus des relations à opportunisme réciproque.
C’est pourquoi, le Général d’Armée Pierre de Villiers dans un remarquable ouvrage de référence intitulé SERVIR disait : «L’obéissance n’est pas celle de l’exécutant robotisé mais du professionnel responsable de sa mission. » Mais attention, il n’y a d’obéissance que d’apprentissage de la solidarité selon Brunetière dans sa célèbre conférence du 26 avril 1899 sur l’Armée et la Nation.
En somme, obéir aveuglément est malhonnête et suicidaire car il faut toujours se poser la question suivante qui est simple mais sa réponse est thérapeutique et délivre : « qui suis-je en train de servir dans ma position? »
- Vous pouvez être en train de servir un masque qui vous manipule et se refusant de révéler sa personnalité; vous pouvez avoir à faire à une personne sincère qui vous dit clairement qu’il veut se servir de vous pour régler des comptes à certains citoyens ou carrément se servir de vous pour se servir du peuple.
C’est là une certaine contradiction à relever dans la définition que donne de l’obéissance Gaston Courtois dans son ouvrage “L’école des chefs” lorsqu’il affirme : « l’obéissance, loin d’abaisser l’homme, l’élève, car elle lui permet de servir efficacement à sa place la communauté humaine dont il fait partie. Et quand cet homme est un chef, quel que soit son échelon dans la hiérarchie, elle le grandit en le faisant apparaître comme le détenteur de cette parcelle d’autorité.»
- L’obéissance éclairée ne peut reposer sur le principe d’exécution avant réclamation et c’est là le piège quand on se soumet à sa hiérarchie sans savoir si le donneur d’ordre incarne une autorité positive ou une autorité négative.
Sans l’évaluation des risques attachés à l’ordre reçu et vous mettez à exécuter parce qu’un acte gratifiant couronnera le résultat obtenu, vous signez votre déclin et vous serez rattrapés tôt ou tard par votre excès de zèle, celui d’un exécutant idiot.
- Tout chemin de l’inconnu emprunté sans boussole est un chemin de l’égarement.
L’homme responsable réalise son humanité en faisant dans l’honneur son devoir et c’est ce chemin humaniste qu’un homme honnête doit parcourir.
«Il faut accepter que des gens malhonnêtes fassent de vous une personne marginale non désirable dans le jardin secret des complotistes chevronnés.»
- Le déclin des valeurs fait partie de l’évolution des espèces humaines.
De ce point de vue, le darwinisme est en partie vraie dans l’analyse comportementale des hommes dans tout écosystème où sont en jeu la lutte d’intérêt, la compétition du gagnant-gagnant et toujours gagner par la tricherie.
Quand on s’assemble dans la malhonnêteté, on est ensemble pour infuser et diffuser le mal en chassant de la cuisine et du restaurant ceux qui peuvent jouer du fait de leurs présences dans le partage et la part per capita. Plus on est nombreux, plus les malhonnêtes ont le sentiment qu’il n’en aura pas assez à partager donc il faut faire le partage en cachette et imposer une part incongrue à ceux qui ne sont pas du système des secrets.
- La loi de la gourmandise prescrit le secret, l’exclusion et une distribution inégale avec le maximum des biens pour soi, le minimum pour les autres avec la kalachnikov sur la nuque des révoltés.
- La malhonnêteté est un complot de blanchiment politique ou social de tout ce qui est impudique pour échapper à la sanction. Si vous aimez dire votre part de vérité, les abonnés assidus à la malhonnêteté ont toujours un seul réflexe d’hypocrisie : ils déversent sur vous toutes sortes d’insanités parce que vous refusez d’être puant comme eux.
Quand on s’assemble dans le bien pour le mieux-être de chacun et de tous, on passe de la compétition et de l’exclusion à la coopération pour la solidarité par l’inclusion. Et alors, chacun apporte sa part et repart avec une part au prorata de ses désintéressements dans la réalisation du bien commun : le sacrifice proportionnel est le principal correcteur des injustices.
- Vivez votre pauvreté dans la dignité et détournez votre regard pour ne pas voir ceux qui se croient riches comme des abeilles dans la ruche alors qu’ils sont les vrais miséreux de par leur immoralité physiologique et sociale. Sans la pudeur d’un riche, le pauvre digne le trouve puant et s’en éloigne.
L’attractivité sociale d’un riche mais pauvre en valeurs nobles est très faible quand on finit par comprendre qu’il est un braqueur et un braconnier. Chacun finit toujours par retrouver sa vraie place. Aucune usurpation de posture n’est permise quand l’heure sonne.
Le pouvoir de l’argent a fait déjà d’eux des esclaves avec la bouche conditionnée par des certitudes arrogantes, le pouvoir de la méchanceté les a transformés aussi en des jaloux haineux. Propres d’apparence, sales de cœur et puants de conscience, c’est eux qui imposent leurs volontés à tout le monde.
- Les détrousseurs ont passé leurs vies à amasser sans arrêt et pourtant, ils sont toujours malheureux parce qu’ils savent qu’ils sont des pillards sous surveillance et rien de ce qu’ils possèdent ne leur appartient.
Continuez de dévaster, un jour le maître du souffle fera sa reddition de compte avec le gourdin divin en main.
Je vois les forts dans la crainte et le stress, en même temps j’aperçois des faibles en joie délirante dans un élan jubilatoire comme ce carnaval des masques à la brésilienne. Quand la vanité nous tient, on multiplie les interdictions et puis vint le moment où tout s’écroule et tout redevient autrement, peut-être à la normale. La richesse est une folie et il faut le savoir pour freiner ses ardeurs.
Demain, le peuple immortel sera le tribunal de l’histoire et beaucoup de ces escrocs qui croyaient être éligibles seront refoulés à la porte : on n’entre pas dans l’histoire lorsque sa vie est dédiée à la malhonnêteté.
- Il n’y a de secrets que pour les dégénérés. Tout secret est un produit essentiellement périssable et lorsque sa puanteur commence par se propager, tout vous rattrape.
Rien n’ira en pertes et profits relevant des abus. Quand on escalade le mur de l’éthique à sa guise, l’escaladeur finit par être immobilisé dans sa chute. Soyez humble!
Je suis faible et apprenant devant toute personne digne et révolté devant quiconque qui fait de l’indignité sa profession de foi. Je déteste l’injustice et me sens très distant des gens qui ne sont forts qu’en abusant de leur écosystème.
Dans l’esprit des lois, Montesquieu fait remarquer que « ce ne sont pas les peines qui diminuent les crimes, c’est le genre de vie des peuples et la facilité de subsistance. »
- Pays beau, ventre creux, recrutement massif d’agents de sécurité, votre écosystème ne sera pas sécurisé pour autant, et vous n’aurez qu’une sécurité de façade.
Et le philosophe indien Mahatma Gandhi n’a-t-il pas raison d’affirmer l’une de ses grandes sagesses en ces termes : «On ne peut parler à l’homme qui a faim qu’en terme de pain.»
Quand le pauvre vole le pain, il est un criminel et quand le riche vaniteux vole un million de pains des pauvres, on l’appelle Honorable ou excellence. En même temps, les policiers et les magistrats tremblent devant lui; il a les meilleurs avocats pour sa défense non pas au nom de la science juridique et de la droiture, mais par le blanchiment politique ou le blanchiment pécuniaire fortement trébuchant. Oui, le riche malhonnête a trop de gens pour transformer ses horreurs en honneur. Mais attention, quand le peuple n’en peut plus, il fait la révolution contre les abus.
Et comme le constate sur la base de sa longue expérience de la sécurité, le Général de Division Oumarou Djam Yaya interpelle la conscience collective sur l’urgence de revoir les politiques publiques qui méprisent les urgences nationales bien spécifiées dans la pyramide de Maslow :
- «La faim et la soif peuvent forcer l’homme à franchir tous les interdits légaux et moraux pour aller chercher la nourriture et l’eau nécessaires à sa survie là où il croit pouvoir les trouver. » S’il y a des criminels récidivistes qu’on retourne dans les geôles, c’est que certains ont leur sécurité alimentaire plus assurée en prison qu’en liberté. Si un dirigeant politique ne le comprend pas, il n’est pas à sa place alors.
Et selon Madame Ogata Sadako, anciennement Haut-commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés, l’un de ses propos incisifs est comme un tremblement de terre : «Personne ne sera en sécurité tant qu’un si grand nombre d’hommes, de femmes et d’enfants vivront dans la crainte.» Ne nous trompons pas de vérité, la malhonnêteté des acteurs politiques et de nombreux hauts cadres de l’administration est la principale source d’insécurité dans la mesure où c’est la malhonnêteté qui entretient tous les rapports de force y compris le déclenchement des guerres.
Pour comprendre la portée de ce séisme mental et comportemental, il faut se référer l’opuscule de Omraam Mikhaël Aïvanhov intitulé La paix, un état de conscience supérieur où il enseigne que pour comprendre les bienfaits de la paix « il n’y a qu’à aller dans le désert ou sur les hautes montagnes. Mais voilà qu’intérieurement, on n’a pas la paix. Pourquoi? Parce qu’on a emporté son « transistor » dans sa tête, ce sacré transistor dont on ne se sépare jamais et qui est là, toujours en marche. […] Et qu’est-ce qu’on entend! Souvent il est branché sur les station de l’Enfer où il y a aussi des musiques, bien sûr, mais quelles musiques, quel vacarme! »
Quand on croit en son combat, on porte facilement sa croix et le difficile devient le facile. Pour gagner alors un combat, il faut un idéal humaniste, une conscience empathique, une conviction de la bienfaisance, du courage dans l’épreuve, de la méthode pour résister, des outils d’action pour affronter les imposteurs, une constance dans le souvenir de la méchanceté des hommes pour ne pas retomber à nouveau dans leurs pièges. Le salut est au bout de la peine.
Entre-temps, vous serez incompris, vous serez abandonné par beaucoup d’hypocrites très doués dans le double langage, ceux-là dans leur introversion seront vos saboteurs qui fonctionnent comme des balanciers de gamins : ils vont et viennent comme si la platitude de leurs consciences les interpellait. Il ne faut surtout pas perdre son temps à renouer avec ces opportunistes de bas de gamme car la malhonnêteté ne se guérit pas, elle est à l’affût des opportunités impudiques.
L’honnêteté est la rançon de la sincérité du caractère permanent d’une personne qui inspire confiance de par sa façon d’être, sa façon de faire et sa façon de faire-savoir. L’honnête homme vous dit la vérité même si elle doit vous mettre mal à l’aise. Il ne cherche ni à vous plaire par son être, et son paraître, il est simple et direct, il ne revendique aucun exploit et ne force aucun sentiment bienveillant pour maquiller ses sentiments.
Hélas, notre époque est celle d’une civilisation de tricheurs et de voleurs à tous les niveaux. Lorsque, vous cautionnez une tricherie électorale, vous pouvez être malhonnête dans tous les actes que vous posez y compris, emporter la marmite même chaude de la république avec la sauce achalandée qu’elle contient.