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La justice congolaise a ouvert une enquête contre un proche de l’ex-président Joseph Kabila, l’ancien chef de la police John Numbi, soupçonné d’être le commanditaire de l’assassinat en 2010 du défenseur des droits humains, Floribert Chebeya, en République démocratique du Congo.
“Il y a eu des dénonciations contre le général John Numbi (…) qui sont portées devant les instances judiciaires”, a indiqué à l’AFP Bernard Takahishe Ngumbi, ministre de la Justice par intérim, selon qui John Numbi est “probablement” à l’origine de la mort du militant de droits de l’Homme Floribert Chebeya.
Dans ce cas, “la moindre des choses est d’ouvrir une action judiciaire. Cela a été fait. L’officier du ministère public est en train d’enquêter là dessus”, a ajouté le ministre.
En février, deux policiers congolais en “exil”, Hergil Ilunga et Alain Kayeye Longwa, ont affirmé à Radio France internationale (RFI) avoir participé à l’assassinat de Floribert Chebeya et accusé le général Numbi de l’avoir commandité.
Figure de l’ONG congolaise la Voix des sans voix (VSV), M. Chebeya avait été convoqué le 1er juin 2010 dans les locaux de la police à Kinshasa pour y rencontrer le général Numbi, le patron de la police de l’époque, lequel nie avoir fixé ce rendez-vous.
Le corps de Chebeya avait été retrouvé le lendemain dans sa voiture à la périphérie de Kinshasa. Son chauffeur, Fidèle Bazana, qui l’avait accompagné à ce rendez-vous, a disparu et son corps n’a jamais été retrouvé. La justice a conclu que lui aussi avait été assassiné.
Le général Numbi n’a jamais été poursuivi. Il avait comparu en tant que témoin au procès en première instance en 2011, mais n’avait pas été appelé à la barre lors du procès en appel en 2015.
– Sécurocrate de Kabila –
Un colonel de police, Daniel Mukalay, qui purge toujours sa peine, avait été condamné à quinze ans de réclusion. Un capitaine avait été acquitté.
En première instance, trois policiers avaient en outre déjà été acquittés et trois autres, en fuite, condamnés à mort par contumace.
Après les témoignages des deux policiers à RFI, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer la réouverture du procès et des poursuites contre le général Numbi.
“Nous prenons acte de la déclaration du ministre mais nous restons vigilants, car rien ne nous garantit que les autorités vont s’atteler sur ce dossier avec une certaine célérité (…) pour la réouverture rapide du procès avec ou sans John Numbi”, a réagi auprès de l’AFP Rostin Manketa, directeur exécutif de la VSV.
Le général John Numbi “prétend qu’il n’est pas impliqué dans le dossier mais en cas de la réouverture du procès, il y aura tous les témoignages (contre lui), il sera alors établi sur le plan du droit que c’est lui le vrai assassin qui a tout organisé. En ce moment, on va le condamner même par contumace et il n’aura plus à broncher”, a-t-il assuré.
Sous sanctions américaines et de l’UE pour des atteintes aux droits humains entre 2016 et 2018 sous la présidence de Joseph Kabila, dont il était l’un des principaux responsables sécuritaires, le général Numbi a été démis en juillet de ses fonctions d’Inspecteur général de l’armée par le président Félix Tshisekedi, élu fin 2018.
Le général Numbi fut l’un des piliers du régime de l’ancien président Joseph Kabila.
Depuis le 6 décembre, le président Tshisekedi a lentement mais progressivement démantelé les réseaux de son prédécesseur au sein de l’appareil de l’État, prenant le contrôle de tous les leviers du pouvoir. Il a placé ses partisans à des postes importants au sein des institutions du pays.
L’un des trois généraux le plus gradés de l’armé congolaise, originaire de la région minière du Katanga, dans le sud-est de la RDC, John Numbi aurait fui au Zimbabwe depuis quelques jours, selon diverses sources concordantes.
Sa ferme “a été perquisitionnée samedi par des militaires de la garde présidentielle”, à environ 50 km de Lubumbashi (deuxième ville du pays), avait indiqué lundi à l’AFP un de ses proches, ajoutant qu’un garde du corps du général, l’adjudant Lunda wa Ngoie, a été arrêté.
Près de 80 officiers de l’armée résidents à Lubumbashi et “sans fonctions”, c’est-à-dire sans affectation, dont le général John Numbi ont été enjoints de quitter Lubumbashi pour “rejoindre Kinshasa”. Il s’agit d’un retour vers la capitale à durée “définitive”, selon un document officiel consulté jeudi.
Depuis mardi, une dizaine d’autres officiers, dépêchés par l’état-major général depuis Kinshasa, séjournent à Lubumbashi pour une “mission sécuritaire” dont les objectifs n’ont pas été rendus publics.
“Tout est calme à Lubumbashi et nous sommes contents du travail que la police et l’armée font sur place”, a déclaré le général de brigade Paul Ilunga, le chef de cette délégation.
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