Les réformes publiques en Afrique peinent souvent à transformer durablement les comportements et les sociétés. Entre des lois mal appropriées par les dirigeants eux-mêmes et la résistance légitime des populations frustrées, le changement se heurte à une absence de pédagogie et d’humanité dans leur mise en œuvre. Simon-Narcisse Tomety nous invite à repenser l’Analyse d’Impact de la Réglementation (AIR) comme un levier essentiel, en alliant humilité et fraternité pour dépasser les cycles d’injustice et d’arbitraire. Une réflexion à la croisée des sagesses d’Edgar Morin et des réalités africaines. Lire la tribune.
L’éloge des réformes qui papillonnent : quel horizon pour l’AIR en Afrique.
Le changement de comportement ne se décrète pas; toute frustration appelle la résistance au changement même si la loi est bonne et protectrice, la réforme bien pensée dans son utilité sociale présente et future. La violence légitime d’Etat finit par être banalisée dès lors que les populations soupçonnent l’enlisement de leur pays dans des cycles d’injustices et d’arbitraires chaque fois que les citoyens lèvent leurs têtes pour voir si les personnes qu’ils ont en face d’eux sont exemplaires et incarnent les valeurs qu’elles professent : les valeurs civiques, notamment.
– Une loi ne vaut que par son appropriation par les dirigeants eux-mêmes d’abord, ensuite par les populations.
Et surtout, quand le pardon est criminalisé formellement dans un pays, vous avez beaucoup de candidats aux crimes sains et malsains. Conséquemment, ce qui est interdit est ce qui est permis. Et la tricherie devient le meilleur masque de protection des hypocrites.
Il faut intégrer cette réalité à nos défis de réformes publiques car rien ne remplace l’analyse d’impact de la réglementation (AIR) quand le peuple n’observe pas une loi censée lui faire du bien. Il faut alors des animateurs de réformes publiques et pas que des gendarmes de réforme avec le gourdin en main.
Deux sagesses d’Edgar Morin retiennent notre attention dans son intitulé La fraternité, pourquoi ?
Résister à la cruauté du monde, Actes Sud (2019).
– concorde et discorde sont père et mère de toutes choses selon Héraclite six siècles avant notre ère;
– toute vie comporte le besoin existentiel d’autrui, qui prend forme soit prédatrice/parasitaire, soit associative/symbiotique; La fraternité est la géopolitique de chacun et du pays où il vit.
La richesse de l’homme se trouve dans les opportunités des espaces vitaux qui l’environnent.
Alors personne ne se suffit à lui tout seul. Seule la culture de l’humilité pour anéantir le diable de l’humiliation peut garantir à chacun la paix du cœur et sa propre survie dans le crédit de temps de vie que Dieu lui accorde. Chacun choisit soit d’appartenir à Dieu ou de faire allégeance à son diable. C’est le seul choix qui nous reste pour faire de nos vies ce que bon nous semble entre l’orgueil et la synergie.
Simon-Narcisse Tomety