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Rencontre Talon-MEDEF: C’est pour avoir Macron dans ses bottes selon l’enseignant-communicateur Ilalou ATIKOU

  • septembre 1, 2022
  • 10 min read
Rencontre Talon-MEDEF: C’est pour avoir Macron dans ses bottes selon l’enseignant-communicateur Ilalou ATIKOU

Un des invités d’honneur de la rencontre des entrepreneurs de France édition 2022, Patrice Talon l’actuel locataire de la Marina y était.
Occasion pour le numéro un Béninois d’exposer les avancées économiques de son pays aux entrepreneurs en vue de les encourager à la destination Bénin les jours, mois et années à venir.
A cette occasion, certains propos du Président Patrice Talon continuent de couler beaucoup d’encre et de salive notamment sur les réseaux sociaux.

Pour Ilalou ATIKOU, enseignant et communicateur socio-antropologue, l’intérêt de ses propos c’est  » d’avoir Macron sous les bottes ». Que comprendre ?
Voici l’intégralité de l’analyse de l’homme.

Les gens ont déjà dit et écrit beaucoup de choses sur cette fameuse opération de charme à Paris Mon analyse de la  rencontre du président Talon avec les entrepreneurs français va porter sur le *sens* à donner à cette rencontre, les non dits de la posture du président au cours de cette rencontre et les évidences rationnelles qui ont échappé à l’entendement du président pendant qu’il faisait son intervention. J’ai l’habitude de dire que pour cerner le président Patrice Talon, une simple analyse ne suffit pas. Il faut le *psychanalyser* à travers ses actes et paroles. Je peux donc  dire que la réflexion que je partage avec vous a une part de psychanalyse de la situation en débat. Du point de vue caractériel, le président apparaît comme une personnalité pourvue d’une intelligence phénoménale au service d’un égo audacieux et téméraire. Quand il agit ou prend la parole, il faut surveiller ces deux choses à savoir ce que fait son intelligence de bien ou de mal à la satisfaction de son égo qui assume sans se préoccuper de la sensibilité des autres. Sur la base de ce cadre logique d’examen psychanalytique, je dirai, au sujet du sens, que cette   rencontre est le produit de l’intelligence diplomatique d’un entrepreneur qui,  devenu homme d’État,  projette son égo capitaliste et bourgeois sur les ambitions de sa nation. En effet, Patrice Talon ne cache pas sa classe sociale assimilée à la haute bourgeoisie ni son idéologie politique et options économiques établies dans le libéralisme capitaliste. En choisissant , après la visite de Macron qui marque le dégel des relations entre le gouvernement de la rupture et l’Élysée , de faire un come back officiel en France par un évènement du Mouvement des Entreprises de France (MEDEF) , Talon prend par l’échelle de classe pour jouer sur la solidarité de classe au service des intérêts de classe ,  afin de retrouver dans les réseaux d’influence en France une place diplomatique que son gouvernement avait perdue du fait de la témérité de son égo dans les actions de politique intérieure. Si nous admettons, comme ça se révèle par certaines presses, que le président Macron est non seulement le produit des réseaux du MEDEF, mais que bien plus il est toujours sous l’emprise de ces réseaux, nous pouvons dire que en choisissant de se mettre le MEDEF à profit, Patrice Talon joue gros son intelligence et vise gros son intérêt. L’intérêt ici c’est avoir Macron sous les bottes une fois que ceux qui le contrôlent sont sous le charme. C’est légitime de le vouloir tant que les moyens existent en intelligence diplomatique et relationnelle. À ce niveau, Lionnel Zinsou entre en jeu. S’agissant de moyens, lui peut être un puissant outil de déverrouillage de certaines relations compromises au sein du MEDEF par les élans monopolistiques de l’ego capitaliste de Talon sur les secteurs juteux de l’économie béninoise. Dès lors on peut considérer cette rencontre Talon-MEDEF comme la rentrée inaugurale d’une offensive de reconquête diplomatique de la France par le gouvernement de la rupture.

À propos de la posture du président Talon au cours de cette rencontre, il a affiché l’égalité de pairs et exprimé la différence d’autorité. Ce que j’appelle égalité de pairs, c’est la complexification des rapports que Talon a manifestée tout au long de son intervention. Il s’est adressé à ces entrepreneurs craints pour leurs pouvoirs économiques et politiques d’égal à égal, sans complexe aucun. Il a hissé son orgueil de promoteur d’entreprises au niveau des leurs et leur a parlé le langage qu’ils connaissent et aiment entendre, celui de l’intérêt. C’était un peu comme un initié qui connait le temple avec ces rituels et ses tabous et qui, à demi-mot, dit avec aisance à ses pairs : on se connait, il vaut mieux  qu’on s’entende. Cette entente le président Talon ne la négocie pas seulement, il l’exige avec une certaine autorité, fort du pouvoir d’État qu’il incarne. Lorsque le président Talon dit à ses interlocuteurs que dans les conditionnalités du partenariat à envisager ils ne doivent pas mettre en considération les normes de la démocratie telles que définies chez eux, c’est une exigence de redéfinition des mesures de la démocratie. Ce n’est pas une négociation. Il va plus loin en leur disant que lui ne désire pas leur modèle de démocratie parce que il y a nécessité pour lui de compromettre par  le *recul*  cette démocratie dans le dessein de faire pour son peuple ce que les ancêtres ont déjà fait pour le bonheur de ses interlocuteurs. À ce niveau il se glisse dans le manteau de l’autorité missionnaire qui cherche à bâtir pour les siens ce que les autres ont déjà gracieusement à portée. Dès lors il se met en posture de bâtisseur de nation et voit les autres, du haut de son autorité, en profiteurs de la nation bâtie. Il n’est plus en ce moment dans la dimension de l’égalité de pairs mais plutôt dans celle de la différence de pouvoir. Son égo exprime en ce moment un complexe de supériorité. Peut-être que ses interlocuteurs ne l’ont pas perçu et ce serait encore là une fois de plus la preuve de son intelligence au service de son égo audacieux.

Lorsqu’on en vient aux contenus du discours, l’expression de l’ego a été tellement criarde que l’intelligence n’a pas servi l’entendement. On dirait que Patrice Talon a parlé sans s’écouter. Il y a des choses qu’il a dites peut-être sans vouloir le dire, et cela voudrait signifier que son inconscient a été plus fort que son intelligence à travers le reflux des désirs refoulés. Ça arrive. Mais s’il sait avant de dire et qu’il maîtrise la portée de tout ce qu’il a dit, alors c’est de l’arrogance servile qui n’honore ni un chef d’État ni son pays, même s’il parle des aspects de notre gouvernance politique sociale et économique qui nécessitent des améliorations. Quand un chef d’État dit qu’il ne désire pas une forme de démocratie pour son pays et , dans le monde postmoderne que nous vivons , se fait de la fierté à être producteur de recul démocratique par sa gestion des affaires publiques , c’est de l’irresponsabilité d’une part  et c’est un mépris pour la souveraineté populaire d’autre part. Celui qui a la légitimité des options politiques c’est le peuple. Il ne revient pas à un individu, fut-il président de la république de décider s’il doit avoir démocratie où pas, ni quelle forme de démocratie on doit mettre en œuvre pour le vivre-ensemble. C’est trop oser. C’est de la surdimension de l’ego. Même s’il y a une part de vérité dans les remarques du chef de l’État, l’expression de l’arrogance qui a porté son message est un affront pour un peuple béninois géniteur de la Conférence Nationale. Cet aspect a dû échapper à l’entendement du président lors de son intervention. Sinon il allait se rendre compte que l’aveu public de production volontaire du recul démocratique qu’il a fait, engage sa responsabilité personnelle dans toutes les violences électorales et politiques connues depuis 2016, y compris dans le terrorisme que nous vivons actuellement. Malheureusement le chef de l’État n’a pas perçu les choses ainsi.

 L’autre élément du discours qui porte atteinte à la sincérité du chef de l’État et à la valeur de sa parole, c’est  sa duplicité émotionnelle. Nationaliste révolutionnaire au pied de la statue de Bio Guera , héro de la résistance contre l’envahisseur dans les bras de l’amazone à Cotonou , le voilà français d’origine au bord de la Seine. Avec la révélation de l’attachement émotionnel du président à la France, on se demande, si ce n’est pas de la chache devant les investisseurs français, quel  crédit accordé à la parole du président qui, il y a moins d’un mois, refusait de déposer les gerbes à un monument construit par les envahisseurs dont finalement ils partagent les origines ? La raison de ce refus c’était qu’il ne voulait pas rendre hommage à ses ancêtres sur un site qui porte la gloire de leurs envahisseurs. Avec la manifestation de la duplicité émotionnelle du chef de l’État, on doit se demander qui sont réellement ses ancêtres ? Ça pose le problème d’un syndrome d’ambiguïté identitaire. Ce syndrome a conduit le héros de l’aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane au drame. C’est très profond.

Le dernier élément de l’intervention sur lequel je voudrais attirer l’attention est la tendance du chef de l’État à vendre aux investisseurs comme un atout de sa gouvernance, la précarisation des conditions de travail au Bénin. Dire aux investisseurs que la déréglementation des droits de grève qui a porté gravement atteinte à cet acquis prérupture , est un acte posé pour attirer les investisseurs , dire que le travailleur béninois est sciemment livrés à la merci de l’employeur par l’instauration du renouvellement illimité du CDD , relève d’une prorisation violente du capital sur l’humain et le social. Et le dire avec aisance et insouciance relève du sadisme pour un opérateur économique et de l’irresponsabilité pour un chef d’État qui est élu avant tout pour défendre les intérêts des citoyens dont les travailleurs. C’est à ce niveau que transparaît l’insensibilité de l’ego à tout ce qui ne porte pas un intérêt majeur pour lui.

Pour terminer je dirai qu’au cours de cette rencontre le président de la république a réaffirmé les traits majeurs de sa personnalité. Intelligence, audace et témérité. Il a venté les avancées de son pays et assumé sans complexe les erreurs de sa gouvernance. Le trop plein c’est de chercher à faire passer les erreurs commises comme étant une autre alternative de ce qui est juste. Là l’ego a pris le dessus sur l’intelligence et certains éléments de la pensée ont échappé à l’entendement qui aurait pu mieux contenir le langage et réduire l’expression de l’arrogance envers la république et du mépris envers le peuple. La grande leçon à retenir c’est que dans chaque gouvernance publique il y a une part très importante de la personnalité du gouvernant.

Ilalou ATIKOU

Enseignant communicateur, socio-anthropologue

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crystalnews

2 Commentaires

  • Profondes analyses. Travail digne d’un universitaire. Comme c’est dit dans le texte, c’est plus une psychanalyse qu’une analyse. De telles analyses pourraient contribuer à l’amélioration de la gouvernance politique, la gouvernance économique étant déjà louable à mon humble avis.

  • Très belle analyse de notre doyen. Merci. Tout est dit. Et qui dit mieux?

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