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Un an après le don de soi à la nation : Me Jacques BONOU retrace le film d’une injustice contre Joël AÏVO

  • avril 15, 2022
  • 15 min read
Un an après le  don de soi à la nation : Me Jacques BONOU retrace le film d’une injustice contre Joël AÏVO

Déjà un an que le professeur Joël AÏVO a été arrêté puis condamné à 10 ans de prison pour blanchiment de capitaux et atteinte à la sureté de l’état. Un an plus tard, plusieurs personnes ne comprennent pas les motifs de la condamnation de l’homme de droit alors candidat déclaré contre le président sortant Patrice Talon. Ainsi, à travers cette tribune, maitre Jacques BONOU avocat au barreau de Seine- Saint –Denis retrace les conditions de l’arrestation du constitutionnaliste, de la volonté de le nuire mais aussi de la faiblesse des institutions de la république face au régime de la rupture. La rédaction de crystal-news vous propose ci dessous la tribune de Maître Jeacques BONOU

JOÊL AÎVO OU LE PROCES DE LA DEMOCRATIE ?

Notre pays, le Bénin, vit aujourd’hui une réalité politique très différente de ce que nos pères fondateurs ont insufflé comme modèle de gouvernance démocratique depuis 1990. Cette nouvelle réalité, générée par l’avènement de la « Rupture » depuis avril 2016, est un modèle de gouvernement autoritaire organisé autour d’un homme au pouvoir sans limite. Cette nouvelle réalité est basée sur la répression de la masse populaire, la répression de toute forme d’opposition et la propagande afin de parvenir à la réalisation de ses desseins les plus inavoués. Le Bénin, autrefois envié pour sa démocratie, encensé pour la qualité de sa justice constitutionnelle et cité en modèle sur le continent africain pour son processus original de la construction de l’Etat de droit s’est mué en une démocrature .

Ainsi, Gouverner ou avoir l’ambition de gouverner le Bénin relève désormais d’un défi herculéen, titanesque car les conditions de compétitions électorales et d’accession au pouvoir sont aujourd’hui drastiques, subjectives et biaisées, décrétées par un seul maître.  Il ne voit ses concitoyens que de deux manières : d’un côté des opposants à briser sans pitié et de l’autre, des courtisans à cadeauter sans limites. Les premiers sont considérés, non pas comme des concurrents politiques dans le cadre du jeu démocratique, mais plutôt comme des ennemis à abattre. Les seconds sont considérés comme des courtisans aliénés, des griots inféodés ou des klébés dévoués à sa cause, qu’il faut « esclavagiser » pour leur bonheur éphémère.

  Cependant, cette conception clivante et machiavélique de la gestion de la CITÉ est courageusement contestée par un citoyen engagé, un médecin  de la démocratie, un défenseur de l’Etat de droit qui a décidé non seulement de rappeler au peuple béninois le « consensuels national » auquel sont parvenus les forces vives de la Conférence nationale de février 1990 et les « options fondamentales de la démocratie »   que nos pères fondateurs ont gravées dans le marbre de la  Constitution du 11 décembre 1990, mais aussi de rallumer dans le cœur du peuple béninois « La flamme de la démocratie » à travers une démarche originale : le dialogue itinérant. Il s’agit de l’éminent Professeur de droit constitutionnel Frédéric Joël AÏVO. Mais après avoir réussi à convaincre pacifiquement les foules de son combat patriotique et démocratique, il fut arrêté le 15 avril 2021. Très vite, et en violation des règles procédurales, un procès pénal lui a été collé en vue de l’effacer du paysage politique béninois.

I- DE L’AMPHITHEATRE A LA BARRE

A- UN BREF RAPPEL DES FAITS

Le professeur Joël AÏVO était déjà passé à autre chose après l’invalidation de sa candidature aux élections présidentielles de 2021. Il avait déjà tourné la page des élections présidentielles tumultueuses dont lui et certains autres opposants ont été exclus par des manœuvres anti-démocratiques. Il était finalement retourné à sa passion, à ce qu’il sait faire le mieux dans la vie et qui lui a ouvert une fenêtre dorée sur l’international : les cours et les recherches scientifiques à l’Université. C’est de retour de l’Université après un de ses cours, le 15 Avril 2021, qu’un commando composé d’hommes cagoulés l’a kidnappé comme un vil criminel, lui démontrant ainsi que la liberté qu’il enseignait à l’université n’est désormais qu’un vain mot au Bénin.

En tant que Pèlerin du droit constitutionnel et médecin de la démocratie moderne en Afrique, il se serait certainement cru dans un rêve ou dans un film de science-fiction au début de son interpellation manu militari. La suite des évènements et son passage à la Brigade Economique et Financière lui a certainement permis de comprendre que lorgner le fauteuil présidentiel à 47 ans dans ce pays n’est plus une occasion de concurrence festive, démocratique et populaire, mais est devenu un jeu  dangereux. Car les nouveaux génies de la politique ont modifié sans crier gare les règles posées par nos pères fondateurs. Le professeur n’avait pas compris que dans ce nouveau système, la liberté peut être ravie au citoyen sans que l’autorité daigne expliquer les motifs, sans que l’on puisse en réclamer la reconnaissance et sans que les tribunaux et cours subordonnés aux désirs du pouvoir politique, puissent jouer leur rôle de garant des libertés et de l’Etat de droit.

En un mot, les institutions de l’Etat ne protègent plus les citoyens ; elles sont désormais entièrement au service de l’exécutif. Privés de toute sécurité contre l’arbitraire, les citoyens sont livrés à l’humeur de l’Etat qui depuis 2016 a fait écrouler toutes les digues de protection de la démocratie et du citoyen. Hantés par la peur et traumatisés par les répressions féroces successives, les Béninois sont devenus des observateurs silencieux, des victimes taiseuses et des affamés repus à la fois de résignation et d’espérance à la restauration de leur démocratie dans un avenir incertain. Les nouveaux maitres de l’échiquier avaient promis révéler le Bénin, mais ils n’ont réussi à révéler le Bénin qu’à l’envers dans les pénombres de la démocrature, au lieu de le révéler à l’endroit, du côté de la démocratie où brille sa lumière, son cœur et son âme.

Sans trop m’attarder sur ce qui pourrait être considéré comme une critique à la gestion du pays, je voudrais conserver aussi longtemps dans mes rêves, qu’il a existé une époque très révolue où l’on pouvait parler de la démocratie dans notre pays, où il y avait des débats retransmis en direct ou en différé sur la chaine nationale …une époque où un citoyen lambda, ou un opposant ou un syndicaliste pouvait critiquer ouvertement la gestion du Président de la République, participer à des marches pacifiques de protestation sans risquer d’être enfermé en prison.

Aujourd’hui, je ne souhaite pas qualifier l’attitude de la presse nationale, privée comme publique, dans ce pays jadis plein de grands journalistes talentueux, audacieux et attachés à la défense des libertés fondamentales, tel que Vincent FOLY (paix éternelle à son âme). Le journalisme a changé de paradigme au Bénin : il défend facilement sans scrupule les puissances politiques et financières mais pas souvent les populations vulnérables, les patriotes pacifistes et les victimes d’injustices. Il ferme les yeux sur l’essentiel, ignore l’actualité gênante pour le pouvoir, refuse de s’interroger.

De même plus aucun député ne peut avoir le courage de poser une seule question sérieuse au gouvernement. Aucun parti politique ne s’oppose plus réellement au pouvoir en place et les anciens barons de la politique béninoise sont devenus dociles comme des étudiants s’apprêtant à passer leur examen oral devant un professeur sévère.

 Aujourd’hui, il est simplement aisé de constater que si le jeu politique béninois était comparé au football, Patrice Talon serait certainement le « PEP GUARDIOLA » de la vieille classe politique béninoise. Il a tellement la maitrise de ses joueurs dont il connait la moralité défaillante et les gestions scabreuses des affaires publiques par le passé, au point de savoir à quel poste les envoyer sur le terrain et pour combien de temps de jeu. Mais ceux que le Chef de l’Etat n’arrive pas à dompter sont pour la plupart de la nouvelle génération qui ont une vision vertueuse du pouvoir et une approche patriotique de la gouvernance politique.

S’il faut admirablement admettre qu’un seul homme puisse mettre tout ce beau monde à sa solde et décider de qui doit jouer ou pas, il y en a qui ont décidé de tracer leur propre chemin sans se mettre sous tutelle. C’est le cas du Professeur Joël AÏVO que le pouvoir en place a décidé de punir pour son indépendance d’esprit, ses critiques et son courage.

B- UNE PUNITION CONTRE UN DEFENSEUR DES LIBERTES

Le professeur JOËL AÏVO aurait commis un « péché » en décidant de mettre au service de son pays l’expertise acquise après beaucoup de sacrifices personnels, de privation et du rejet de confort personnel.

En effet, il a eu l’idée de formuler son engagement citoyen et sa mise en œuvre pratique par des rencontres directes et un contact permanent avec la population à travers ce qu’il a appelé « le dialogue itinérant ».

Cette nouvelle méthode de mobilisation politique a complètement déstabilisé la vieille classe politique qui était habituée à passer par des barons régionaux (les grands électeurs) pour solliciter le suffrage de la population. Le dialogue itinérant a ainsi permis de réconcilier le vrai peuple avec un candidat sérieux.

C’est ainsi que les ouvriers de malheur et certains intellectuels jaloux, surpris par l’ampleur de la mobilisation soulevée par le Professeur ont décidé de lui faire la peau. Selon eux, le professeur serait probablement entrain de contaminer la jeunesse par son discours, d’introduire une nouvelle façon de faire la politique, et il fallait le briser moralement, lui faire mal, l’embastiller et l’envoyer dans un profond trou afin de le décourager définitivement.

Le résultat de tout cela nous a conduit ce qu’on pourrait appeler le procès de la HONTE.

 Les carottes étaient déjà cuites, la personne du professeur était déjà condamnée avant l’audience. A titre illustratif, le procureur spécial s’est trompé deux fois dans la procédure et les conséquences juridiques de cette erreur procédurale n’ont pu être tirées. Que pouvaient faire les avocats de la défense devant une pareille détermination machiavélique ?

Même les brillantissimes confrères Feu Jacques VERGES et DUPONT-MORETI n’auraient pu rien faire devant l’accusateur qui a décidé de passer outre le droit et les règles procédurales.

Les réquisitions du procureur spécial sont le reflet fidèle des différents propos du chef de l’État et du porte-parole du gouvernement devant la presse internationale.

Malgré que tous les supposés co-accusés ont blanchi la personne du Professeur AÏVO à la barre et l’absence de la moindre preuve, la sanction prévue est prononcée.

II- DE LA SANCTION AU DON DE SOI 

A- UN DON DE SOI A LA NATION : LE SACRIFICE SUPRÊME D’UN PATRIOTE

Le professeur Joël AÎVO le savait et avait conscience de ce qui se passait. En homme libre il ne s’est jamais senti devant une juridiction.  Il avait compris que sa tête était mise à prix et il était convaincu que ses adversaires politiques et universitaires directs s’étaient fait représenter dans cette affaire.

Cela s’est ressenti tout le long de la procédure au point que l’accusé fini par l’exprimer à la Cour en disant : qu’il ne revenait pas à la justice criminelle :

–  D’arbitrer les adversités politiques

– De faire remarquer à la Cour que la démocratie est éternelle. La démocratie, c’est la sécurité et la sureté pour tous. Le chemin hors de la démocratie, c’est l’aventure pour nous tous. Aujourd’hui c’est moi, à qui le tour demain ?

– Puis le don de sa personne que je ne souhaite pas répéter

Du fond de son cœur, il avait laissé les Avocats faire librement leur travail mais résolument, il est ancré dans sa tête que cela n’aboutirait à rien. La suite de l’histoire nous a permis de constater qu’il avait raison et qu’il ne fallait même pas lui proposer de faire appel.

Il confirme ainsi le don de soi et la pleine volonté de subir le poids de la croix que les ouvriers du malheur ont décidé de lui faire injustement porter. Par coïncidence, en fouillant les saintes écritures, en cette semaine pascale, je constate que le Seigneur Jésus-Christ, avait subi un pareil sort à la veille de Pâques.

Judas devrait livrer le Seigneur afin que la parole s’accomplisse. En comparant les pièces de monnaie reçues par JUDAS et les dernières récompenses reçues par les ouvriers du malheur au Bénin, j’ai la certitude que nul peut échapper à son destin et que cela devrait arriver afin que la destinée du Professeur AÎVO s’accomplisse. Dans tous les cas, la nature ne fait rien à crédit et le Seigneur est le meilleur justicier face à la méchanceté et à la jalousie gratuites.

B– UNE VOLONTÉ DE NUIRE

Le professeur AÎVO est condamné à 10 ans de prison et à 45 millions d’amende. On peut espérer que les autorités lui rendront le reliquat des 5 millions sur la caution des 50 millions qu’il avait payée au trésor public. A partir du moment où le procès a pris fin, les autorités judiciaires ou d’administratives devraient rendre à la famille les objets personnels du Professeur AÎVO. A la date d’aujourd’hui, sauf erreur de ma part, le véhicule familial du professeur AÎVO est livré aux intempéries dans la cour de la Brigade économique et financière. Ses instruments de paiement, son agenda et ses ordinateurs sont toujours gardés malgré les nombreux courriers de la famille envoyés au Procureur Spécial et au Ministre de la Justice mais qui sont restés sans réponse.

Cela laisse apparaître la volonté des autorités judiciaires et administratives de priver la famille du Professeur AÎVO de ressources afin de la rendre ainsi vulnérable.

Il est dans l’intérêt de tous les Béninois de s’indigner de cette situation particulière qui laisse transparaître désormais qu’un adversaire politique est désormais un ennemi qu’il faut absolument abattre en dehors ou en violation de toutes règles juridiques élémentaires.

Je ne saurais finir ce devoir de mémoire sans préciser qu’en tant qu’homme de foi, le professeur Joël AÏVO a l’habitude de le dire « RIEN NI PERSONNE N’EST PLUS GRAND QUE LE SEIGNEUR, IL EST LE SEUL MAITRE DE LA VIE, DE LA NATURE ET DU TEMPS ET SES MYSTERES SONT INSONDABLES ».

Dans la même optique, il me plait d’inviter tous les Béninois à se rappeler de la chanson de notre salsero national feu GNONAS PEDRO :

 « Ne tuez pas la liberté. C’est mon slogan scandant la vérité. Elle se répare pour la veritas. Car un fou des fois aide le roi »

« Y a pas de mauvais citoyen. À part les querelles politiques. Celles qui font de nous. Ennemis l’un de l’autre. N’oublions pas nos réalités ».

Enfin, je tiens à préciser que je ne suis pas obligé de plaire. En tant qu’avocat, je veux intimement garder ma faculté de résistance et donc ma liberté de déplaire, mais toujours dans le respect de la personne des autres ; toujours dans la dynamique de la défense des droits des sans voix. Je pourrai ainsi continuer de dénoncer l’injustice et l’arbitraire. Tel est mon sacerdoce.

Que Dieu Bénisse le peuple béninois et tous les prisonniers politiques.

A le Pré-Saint-Gervais, le 14 Avril 2022 à 14h49.

Maître Jeacques BONOU, Avocat au Barreau de Seine-Saint-Denis

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ghislain

1 Commentaire

  • Tout le peuple est déçu car on pensait qu’il ferait mieux mais malheureusement. Tout se paie ici bas.

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