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Situation des aspirants: la déception du Professeur Faustin AÏSSI

  • décembre 8, 2021
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Situation des aspirants: la déception du Professeur Faustin AÏSSI


Le Professeur émérite d’université, Faustin AÏSSI a été un des premiers artisans de l’avènement de Patrice Talon au pouvoir.
Mais depuis 2016, le Bénin vit l’un des moments les plus difficiles de son histoire dans l’éducation. Les différentes réformes opérées par le gouvernement au lieu d’apporter une plus-value pour le monde éducatif et surtout une bouffée d’oxygène pour les acteurs reste malheureusement un handicap pour ce secteur. Et depuis, des voix s’élèvent pour dénoncer la chose. La dernière en date est celle du professeur Faustin AÏSSI l’un des premiers soutiens au candidat Patrice Talon qui avait approuvé le programme de ce dernier dans le sous-secteur de l’éducation mais qui malheureusement est en déphasage de ce qui avait été proposé. Lisez sa réflexion

Cher.e.s Ami.e.s,

C’est avec gravité mais aussi une grande sérénité que j’écris les lignes qui vont suivre.

J’ai été au printemps 2015 l’un des artisans du programme du candidat Patrice TALON notamment celui de l’éducation nationale avec trois autres compatriotes tant en matière d’Enseignement que de Recherche. Je me suis ainsi retrouvé dans le manuscrit et programme du Nouveau Départ proposé aux Béninois lors de la campagne électorale de 2016 sur la base duquel Patrice TALON a été brillamment élu Président de la République de notre pays le 20 mars 2016.

J’ai naturellement remercié notre nouveau président me sollicitant par son coup de fil du samedi 4 avril 2016 pour l’accompagner dans la mise en œuvre du programme que nous avons conçu mais je n’avais pas pu y répondre favorablement pour cause d’indisponibilité pendant une année suite à intervention chirurgicale délicate.

Pour autant c’était avec plaisir bien qu’étant convalescent, que j’avais répondu favorablement à sa demande de production de deux contributions aux deux commissions mises en place pour l’alimentation du PAG présenté au Palais de la Marina le 16 décembre 2016.

Le temps viendra où le bilan en matière d’éducation nationale sera fait et pour ce qui me concerne quand j’aurai à écrire mes mémoires.

Quand on a deux mandats pour mettre en œuvre une politique, si le ton n’est pas donné au 1er mandat, ce n’est certainement pas au second qu’on peut y arriver et surtout réussir. Force est de constater que rien de tangible n’a été perceptible aux initiés de l’éducation nationale dans le 1er mandat pour ce qui concerne tant l’enseignement public que la recherche académique scientifique à l’instar des infrastructures ou l’énergie voire récemment les œuvres culturelles et mémorielles pillées par le général Doods.

Or pour des pays à forte dominance jeune (60% au moins), c’est l’éducation nationale notamment son levier formation-recherche qui est le principal moteur du développement pour une nation, les infrastructures et énergie n’en n’étant que des outils.

En clair la formation des enseignants devrait être l’axe dorsal de cette politique en commençant par la dotation en ressources humaines, financières et de logistiques conséquentes.

Le plus dur étant la formation des hommes et des femmes, il eût fallu commencer par la création d’ENI et d’ENS (6 ENI et 6 ENS) supplémentaires dans les départements, au lieu de se contenter des deux ou trois que nous avons depuis des décennies dont Porto-Novo et Natitingou. Mais nous sommes restés sur des ENI privés ouverts dans des VONS et dans des locaux insalubres pour la plupart avec des enseignants qui y viennent compenser leur manque à gagner financier dû aux salaires de misère que leur offre leur administration. Pire, les étudiants reçus dans ces ENI privés ne sont pas recrutés par l’État mais demeurent les bêtes de somme à 30.000 FCFA par mois y compris d’établissements publics en manque de milliers de titulaires.

C’est dans cette ambiance délétère que l’expression de cris d’alarme de deux aspirants, l’un de Ouidah, l’autre du Mono, vient grésiller les ondes des réseaux sociaux mais suffisamment fortement qu’on a pu comprendre que les retards de paiement étaient dus à des documents administratifs à produire.

Puis, voilà maintenant que circulent sur les réseaux sociaux des mesures de suspension de salaires pour cause de grève !

Permettez-moi de rappeler ce que toute administration y compris dahoméenne en son temps avait fait et fait. Parce que l’administration à sa “lenteur ” séculaire, toute personne embauchée avec un contrat de travail obtient dès la fin du 1er mois 80% de son salaire contractuel jusqu’à ce que l’administration finalise son dossier administratif. Ce dispositif eût permis d’éviter toutes ces perturbations dommageables tant à la formation de nos enfants qu’au respect des concernés et de la fonction.

Sur le fond, je me permets de dire “qu’Aspirant” est inapproprié pour désigner nos enseignants. L’Education nationale est une institution régalienne comme l’Armée, l’Hôpital ou n’importe quel ministère dont l’accès est fait sur concours avec au plus 1 an de “stagiarat” avant titularisation ou non. Par ailleurs, ne les payer que 9 mois sur 12, si cela est vrai, est une absurdité dont je ne comprends même pas que les ministres concernés en acceptent le principe car la charge de l’enseignant n’est pas seulement devant les élèves mais intègre aussi les corrections de copies ordinaires et des examens, les réunions pédagogiques etc. Les vacances scolaires ne sont pas du fait des enseignants mais de l’organisation sociale où les sociologues estiment qu’au-delà d’un certain nombre d’heures par jour ou de semaines, l’assimilation intellectuelle d’un enfant ou d’un jeune devient problématique pouvant conduire à des perturbations et déséquilibres psychologiques dommageables à la santé de l’enfant.

Toujours sur le fond, la question des salaires est un gros problème dans les pays en voie de développement. Dans le monde globalisé dans lequel nous vivons, vous ne développerez pas votre pays avec un SMIC à 40 ou 45.000 FCFA, des instituteurs entre 100.000 et 150.000 FCFA, des cadres supérieurs à 300.000 FCFA surtout quand la majorité de ces gens vivent dans des grandes villes. L’économie, c’est d’abord la consommation. Si vous n’avez pas des gens pour acheter vos produits, vos productions ne se vendront pas et vous resteront dans les bras.

Par ailleurs, dans un pays normal l’écart de salaire entre l’ouvrier et le cadre supérieur est de 1 à 4 ou 5, ce qui mettrait nos professeurs d’université ou magistrats entre 160.000 et 200.000 FCFA en début de carrière, et en fin de carrière pour une carrière normale autour de 350.000 FCFA. Vous aurez l’assurance que dans ces conditions, un Bac + 7 ou 10 qui est bon se fera débaucher très rapidement et la fonction publique restera avec les médiocres ou ils seront incités à détourner.

Enfin dans un pays normal, l’écart entre le salaire le plus bas et celui le plus élevé, public et privé confondus, se trouve dans une échelle de 1 à 20 ou 30 maximum. Cela situe le salaire des ministres, préfets et autres chefs de grandes entreprises ou capitaines d’industrie autour de 1.500.000 FCFA. Je ne pense pas que ça soit le cas au Bénin.

Il faudrait donc que le gouvernement ait raison gardée. La suspension des salaires des aspirants grévistes est une très mauvaise réponse à un vrai problème à l’instar de la réponse du préfet du Littoral au désordre des transports en commun des femmes du marché de Dantokpa qui ont été parquées quelques temps à l’Abattoir du pk6, avant de se rendre compte de l’absurdité de la décision.

J’invite donc vivement le gouvernement à prendre en compte une réelle souffrance sociale qui existe effectivement dans notre pays. La colère des Aspirants n’en sont qu’une expression actuellement sourde et qui couve.

Faustin AÏSSI
Professeur émérite.

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3 Commentaires

  • Nous prions que les choses en faveur de nos pauvres populations. Le gouvernement ferait quelque chose certainement. Le Président de la République se doit réactiver son service de renseignement afin que les réels problèmes de nos populations lui parviennent. Il serait un peu sous un informé de ce qui se passe dans quelques sous secteurs d’activité. Sa promptitude à régler les problèmes nécessaires manque de concret par ce que les vraies informations auxquelles il devraient réagir très fort et de façon vive,sont voilées par ses collaborateurs.
    Je sais et j’ai la ferme conviction qu’il va changer les choses ce Président.

  • Je me réjouis qu’il y ait encore des hommes qui ont leur tête sur l’épaule et qui pensent vraiment au développement de la nation qui passe indubitablement par l’éducation de la jeunesse, cette jeunesse qui est la relève.Les conditions de vie de ces jeunes dits aspirants sont déplorables.Cette décision de suspendre les contrats des aspirants grévistes vient encore tuer l’éducation déjà moribonde.Revoyez s’il vous plaît cette décision pour le bonheur du peuple béninois.

  • C’est toute une vérité qui est amère ,je penses que le président peux encore rattraper et corrigé cet aspect général de la réforme sur l’éducation et aussi ton absence dès la première année que tu n’as pas pu accompagner dans ce programme qui en est la véritable cause et les ministres de l’éducation en place n’ont pas mis en œuvre le programme du président….

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